À Bagneux, les unitaires lancent le « Front populaire 2027 »

Réunis autour de Lucie Castets, socialistes, écologistes et ex-insoumis actent le principe d’une candidature commune pour la prochaine présidentielle. Le début d’une petite aventure unitaire boudée par Jean-Luc Mélenchon et Raphaël Glucksmann.

Lucas Sarafian  • 3 juillet 2025 abonné·es
À Bagneux, les unitaires lancent le « Front populaire 2027 »
Le 2 juillet, socialistes, écologistes et ex-insoumis ont acté le principe d'une candidature commune pour 2027.
© Maxime Sirvins

La date était cochée dans de très nombreux agendas. Tous ceux qui rêvent chaque nuit d’union de la gauche voyaient ce 2 juillet comme une lumière au bout du tunnel, ce jour où les premières pierres de l’unité en vue de la prochaine présidentielles seraient posées. La veille à l’Assemblée nationale, l’ex-insoumis Alexis Corbière en parlait déjà. « Demain, ce sera un début, prédisait le député de Seine-Saint-Denis. Demain, je veux qu’il y ait un drapeau qui se déploie, le drapeau de l’union. »



Au-dessus de la salle des fêtes Léo Ferré à Bagneux (Hauts-de-Seine), aucun drapeau ne s’est finalement déployé. Peu importe. Les mots sont peut-être plus importants que les grands étendards. « Nous avons acté que nous avons besoin et que nous aurons une candidature commune en 2027 », annonce d’emblée Lucie Castets, ex-candidate à Matignon reconvertie en guerrière de l’union de la gauche. À ses côtés, le patron du Parti socialiste (PS) Olivier Faure, la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier, les « purgés » de La France insoumise (LFI) Clémentine Autain et François Ruffin, et le député Génération.s Benjamin Lucas-Lundy. Au pupitre, un logo rouge, vert et violet : « Front populaire 2027 ». Le mot d’ordre est là.


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Photo de famille

Officiellement, toute la gauche s’est donné rendez-vous pour travailler dans une salle de cette ville communiste dirigée par Marie-Hélène Amiable depuis plus de vingt ans. Au programme : des auditions de syndicalistes, d’associatifs, de représentants d’ONG, de chercheurs et d’intellectuels. Avant de rentrer, après l’heure du déjeuner, dans le dur des discussions, c’est-à-dire le processus de désignation du candidat, le programme commun et les prochaines campagnes politiques à mener. « Nous avons eu une réunion de travail extrêmement fructueuse », affirme Castets.

Crédit photo : Maxime Sirvins

Autour de la table, Olivier Faure, Johanna Rolland, Pierre Jouvet, Nora Mebarek et Boris Vallaud pour les socialistes, Ali Rabeh, Sophie Taillé-Polian, Mathilde Hériaud, Tristan Lahais et Benjamin Lucas-Lundy pour Génération.s, Marine Tondelier, Cyrielle Chatelain, Guillaume Gontard, Thomas Dossus, Aïssa Ghalmi pour les Écologistes, Clémentine Autain, Alexis Corbière, Raquel Garrido et Pierre-François Grond pour L’Après ainsi que François Ruffin et Sébastien Jumel pour Debout !, le nouveau mouvement du député Samarien.

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Officieusement, ce 2 juillet était aussi l’occasion de prendre une belle photo de famille devant la presse. « Aujourd’hui est un grand jour. Nous avons prêté serment, celui d’un jeu de paume particulier. Nous nous sommes dits ce que nous voulions faire pour les prochaines années. Et nous ne voulons pas laisser le monopole de l’alternative à l’extrême droite », assure Olivier Faure. Marine Tondelier est sur le même ton : « En créant ce Front populaire pour 2027, on rallume la lumière au bout du tunnel. Ce n’est pas juste pour battre le Rassemblement national, mais c’est pour gagner, changer la vie vraiment. »

Pierre Jouvet, eurodéputé socialiste et bras droit de Faure, imagine l’image publique que renvoie cette réunion : « Ce que nous donnons à voir, c’est une impulsion politique. Ce soir, les Français voient une image, des gens qui n’ont pas fait une présidentielle ensemble. Tondelier, Ruffin, Faure, Autain, ce n’est pas rien. »

Grandes absences

Mais la marche semble haute pour convaincre tout le reste de la gauche. Le communiste Fabien Roussel, le social-démocrate Raphaël Glucksmann ainsi que Jean-Luc Mélenchon et les insoumis n’ont pas répondu à l’invitation. Des absences qui comptent. Néanmoins, les unionistes ne veulent pas abandonner l’idée de les convaincre. « Ils ont été invités. Ce sont eux qui s’excluent, ce sont les insoumis qui ont fait le choix de ne pas venir. Pourquoi ne viennent-ils pas ?, demande Clémentine Autain. La porte leur est ouverte. »

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À distance, un député insoumis se moque de ce petit rendez-vous : « Ce n’est pas en mettant tous les perdants dans une même salle qu’on augmente ses chances de gagner. » Les unitaires semblent se moquer de ces critiques. « Si Jean-Luc Mélenchon et les insoumis pensent qu’ils peuvent nous débrancher, ils se trompent. On va aller jusqu’au bout. C’est acquis. On ne peut pas détricoter ce qui est là, ce que nous sommes, c’est solide. Et nous allons entraîner tout le monde », certifie Raquel Garrido. Convaincue que l’électorat de gauche est majoritairement pro-union, Clémentine Autain recentre le débat : « On n’est pas à la marge du peuple de gauche, on est au cœur du peuple de gauche. »

« Je ne me résigne pas »

Entre les unitaires présents, tout n’est pas encore parfaitement calé. Impossible de régler toutes les divergences en 24 heures. Olivier Faure parle toujours de sa « plateforme » allant de Raphaël Glucksmann à François Ruffin alors que Marine Tondelier évoque encore son idée de l’organisation d’une « primaire des territoires », une piste évoquée lors de son discours d’investiture le 26 avril à Pantin (Seine-Saint-Denis).

Crédit photo : Maxime Sirvins

Et surtout, la question du périmètre de cette hypothétique union des gauches n’est pas encore tranchée. Faut-il inviter Jean-Luc Mélenchon et les siens ou pas ? La question pourrait bien fracturer cette coalition unioniste. « La porte est toujours ouverte, selon moi. Mais vous savez tous que c’est un espace pluriel qui cohabite ici », tempère Castets. Faure, bien moins ouvert à l’idée de faire alliance avec l’insoumis, l’assume : « On peut avoir des différences et on peut avoir des approches différentes du périmètre. »

Les socialistes espèrent plutôt le ralliement de Glucksmann à cette union. Faure et le patron de Place publique ont d’ailleurs échangé la veille à l’Assemblée. « Je ne me résigne pas sur le fait qu’on doit les convaincre, on va continuer à travailler ensemble », confie un proche du premier secrétaire du Parti socialiste (PS).



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Chemin de crête

En attendant , un calendrier est fixé : le candidat de la gauche unie sera désigné après les élections municipales, entre mai et octobre 2026. Les modalités de désignation de ce candidat seront arrêtées d’ici à la fin de l’année 2025. Mais avant tout cela, cet agrégat d’unitaires lanceront à la rentrée six grandes conventions thématiques partout en France.

La première portera sur l’éducation. Et ensemble, ils travailleront sur l’écriture d’une plateforme programmatique à partir du projet du Nouveau Front populaire (NFP). « Aujourd’hui, nous avons acté que nous aurons un programme commun et un candidat commun. Ce n’est pas rien pour desserrer l’étau entre l’extrême droite et l’extrême argent », estime François Ruffin.



La route semble longue jusqu’en 2027. « Le chemin n’est pas tracé, il n’y a pas un boulevard devant nous. Mais ce chemin de crête, je le vois, je le crois possible, je le crois atteignable », rêve Olivier Faure. Un site web sera lancé prochainement, tous ces unionistes se donnent désormais rendez-vous chaque lundi et deux groupes de travail se sont constitués, l’un planchant sur le processus de désignation du candidat et l’autre sur le programme. « Même s’il y a des absents, on avancera », promet Alexis Corbière. « On est engagés sur un chemin et on va continuer sur ce chemin », confirme la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland. La petite aventure ne fait donc que commencer.

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