«Front Républicain», Ha, Ha, Ha

Sébastien Fontenelle  • 24 mars 2011
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Illustration - «Front Républicain», Ha, Ha, Ha

Je m’entretiens, au lendemain du premier tour des cantonales, avec un enfant d’un an et demi.

Petit, je lui fais: penses-tu qu’il y ait plus que l’épaisseur d’une feuille de Rizla+™, entre l’FN et l’UMP?

Ah, non, me répond le vif petit personnage: j’dirais plutôt qu’il y a moins que.

― Tu peux développer?

― Attendez, je vais pas non plus vous refaire toute l’histoire, j’ai piscine dans un quart d’heure, mais grosso merdo ç’a commencé y a neuf ans, le 21 avril 2002, après le coucher du soleil, quand l’éditocratie s’est mise à crier que plus jamais ça, bordel, never again the grosses boules, never again the Pen au second tour – vous rappelez-vous-ce?

― Tu parles, si je me rappelle, petit: les unes de Libé donnaient l’impression d’avoir été faites au maquis des Glières.

― Tafé.

― Laurent Joffrin, c’était Charles Tillon, d’un seul coup.

― Tafé.

― Puis?

― Puis, cinq ans plus tard (en 2007, donc, j’espère que vous suivez): les mêmes, exactement, se pâmèrent aux rebondis mollets nik és de Sarkozy, ne fut-il pas?

― Il fut, petit: on les appela même les guymollets.

― Alors même que?

― Dis-moi?

― Alors même que tout le monde savait à ce moment-là que la propagande kozyque était la même que celle du Pen: le gars n’en finissait plus de flatter, dans ses meetings , ce qu’il y avait de bas dans son votat.

― Résultat?

― Résultat: même Bernard Kouchner vit que Sarkozy «n’éprouv (ait) aucune honte à pêcher dans les eaux de l’extrême droite» .

― Mais pourtant, Kouchner…

― …S’empressa de troquer sa digne pudeur pour un maroquin chez le pêcheur en eaux de l’extrême droite: j’en fus comme vous navré.

― Mais tu n’étais pas né?

― La valeur n’attend pas le nombre des années.

― Après quoi?

― Après quoi, le triste mec, sitôt que mis dans l’Élysée, nous fit du Pen total[^2], mais where the fuck était donc passée la Résistance barbichue qui cinq ans plus tôt nous jurait que plus jamais ça, je vous prie?

― De fait: on ne l’entendait plus guère.

― Sauf?

― Sauf quand elle chantait, alléluia, Sarkozy nous réformera (nonobstant les hauts cris de la gauche populisto-pénique).

― Tout juste, Auguste: durant qu’on ministérisait l’Identité nationale comme dans les rêves mouillés de Bruno Mégret, l’éditocratie se déhanchait au rythme chaud de la rumba des sans-complexes – et maintenant?

― Maintenant, le régime continue d’être ce qu’il a toujours été: le trou d’où monte chaque matin l’affirmation que tous ces bougnoules, dans nos entours, font que mâme Dupont n’a plus guère l’impression d’être chez elle à Saint-Pourçain.

― Voui, da.

― Et qu’il faut qu’on les remette fissa dans des bateaux.

― Voui, da.

― Et qu’il faut qu’on se prépare en vue de «la guerre aux musulmans» .

― Ah, non, ça, c’est pas le régime qui le dit: c’est Le Figaro .

― Attends, Le Figaro , c’est pas vendu par un mec du régime?

― Ah, si, tiens: j’oubliais.

(― Le même qui aima vendre en Libye son gros matos?

― Si, si: c’est lui.)

― Et donc?

― Et donc, ce régime: c’est comme si Pen était aux affaires, et ça fait quatre ans que ça dure, et l’avons-nous chassé?

― Peu.

Très peu, mais cependant, vous noterez: après le premier tour des cantonales, «la presse fustige l’attitude de l’UMP envers le FN» .

― De fait…

― De fait, de gros bouts de l’éditocratie voudraient contre la Pen un large «front républicain» , de l’Atlantique à Solférino.

― Et rue de Solférino, justement, que dit-on?

― Pareil: on trouve que c’est pas bien du tout, que ces gens de régime qui veulent qu’on remette les immigré(e)s dans des bateaux fassent pas barrage contre l’FN, qui n’est pas républicain, lui, vu qu’il veut qu’on remette les immigré(e)s dans des bateaux – c’est pas moral, genre.

― Mais, petit: ces gens-là sont vraiment de grotesques bouffon(ne)s?

― J’abonde.

― Je veux dire: on se fout vraiment de nos gueules, là, hein?

― Putain, vieux: vous fûtes long à le comprendre.

[^2]: «Je donnerais volontiers ma place au Caveau de la République pour un siraffiné calembour.» Bernard Mabille.

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