Don McCullin, tête d’affiche de Visa pour l’image

A côté d’une vingtaine de reportages à travers le monde, le festival consacre une large rétrospective à Don McCullin, figure essentielle du photojournalisme.

Jean-Claude Renard  • 2 septembre 2013
Partager :
Don McCullin, tête d’affiche de Visa pour l’image

Pas moins de 154 images, retraçant plus de cinquante ans de photographie. Don McCullin (né en 1935) n’avait jamais été présenté au festival « Visa pour l’image », à Perpignan. Dans l’enceinte de l’Eglise des Dominicains, l’hommage est exceptionnel pour cet albatros de l’objectif, légendaire photographe britannique. Et forte tête du Sunday Times Magazine , dont le principal travail s’est tôt tourné vers les conflits armés, cornaqué au noir et blanc, retournant plusieurs fois sur ses pas, inscrivant la photographie dans le temps.

McCullin a tiré ses premières images de ses fréquentations, du côté des malfrats et des gangs, fixant les Guvnors de Finsbury (1958), dans les quartiers miséreux de Londres.

Sans-abri irlandais, East End, Londres, Grande Bretagne, 1969.

C’est encore un artilleur débutant lorsqu’il arrive à Chypre , en 1964, quatre ans après que le pays a gagné son indépendance de la Grande-Bretagne, quand une guerre civile oppose les populations grecque et turque. Déjà au cœur des détonations, des effusions de sang et de larmes. Dans la foulée, il est présent au Congo (1964/1967), tandis que le jeune pays tombe entre les mains des chefs de guerre, en présence de mercenaires blancs. D’exactions en exécutions sommaires, les tirages se succèdent sèchement.

Fidèle à sa réputation pour sa 25e édition, le festival de photojournalisme, à Perpignan, livre jusqu’au 15 septembre une série de reportages exceptionnels. Des reportages en marge des publications habituelles, les uns puisés dans l’actualité, les autres menés sur le long terme.

{{Don McCullin}}, Visa pour l’image, jusqu’au 15 septembre.

Entre 1965 et 1968, il se rend aussi au Vietnam, auprès des marines américains, saisis tantôt blessés, tantôt torturant un civil soupçonné d’être un Vietcong, tantôt encore lancés dans une offensive vaine, ou repliés sur leur base, la trouille au ventre et l’effroi marquant les trognes boueuses. Dans la grande tradition du photojournalisme, ou ce qu’on appelle parfois la photographie de conscience, McCullin livre des images qui toujours possèdent le sens du cadre ; telle cette botte américaine au-dessus d’une mitraillette surgissant dans le bord du cadre, à gauche, tandis que se profile une silhouette féminine au fond de la rue et du cadre, à droite, en douce contre-plongée.

Au Vietnam suivra le Biafra (1968/1969) et sa guerre civile provoquant une famine terrifiante. Si les images des corps décharnés font le tour des kiosques, l’un des rares portraits de McCullin est signé alors Gilles Caron, en 1968, qui lui-même disparaîtra deux ans après, sur une route du Cambodge. Le sanctuaire des troupes Vietcongs, (1970/1975), sonnera comme une autre convocation pour McCullin. Les tons sont noirs, au diapason de ce qu’il voit, et de ce qui est.

  1. Retour sur le Vieux continent. En Irlande, au milieu des tensions entre catholiques et protestants, au milieu des répressions des troupes anglaises et des batailles rangées. McCullin y ajoute une galerie de portraits expressifs, des scènes puisées dans les foyers populaires. Dans les années 1970 et 1980, le Liban est un autre théâtre des monstruosités.

Le camp palestinien de Sabra après le massacre perpétré par les milices chrétiennes, Beyrouth, Liban, 1982.

Inlassable sismographe de jours mauvais , Don McCullin couvrira encore le fléau du sida en Afrique australe, dans les années 2000, tranchant avec la quiétude du Gange, les pyramides des pharaons nubiens au Soudan, des ruines romaines (mais qu’est-ce qui ne relève pas de la ruine, au sens large, dans sa photographie ?).

Au bout des clichés, Don McCullin avoue que sa volonté de témoigner « n’aura servi à rien » . Il trouve maintenant la paix dans les paysages de son Angleterre natale, le Somerset. Guerres et paysage constituant ainsi le corps de cette rétrospective, les unes se confondant dans les autres, dessinant en même temps le portrait d’un survivant, aux aguets toujours, qui observe au-dessus de lui « les nuages comme les miroirs des tragédies ».

Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don