Progrès en trompe-l’œil sur le climat

Les États-Unis ont assoupli leur position dans la lutte contre le réchauffement climatique. En apparence au moins…

Alain Lormon  • 10 juillet 2008 abonné·es

« Une avancée capitale » dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est ainsi que les commentateurs analysaient, mardi matin, les conclusions du G8 réuni à Toyako (Japon). Il est vrai que les chefs d’État et de gouvernement des huit pays « les plus industrialisés » se sont mis d’accord sur une réduction « d’au moins 50 % » d’ici à 2050 des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La prudence reste cependant de mise. On sait que le principal point de blocage venait de la position américaine. Les États-Unis estimaient jusqu’alors qu’ils n’avaient pas à s’engager tant que les grands pays émergents, Chine et Inde en tête, ne seraient pas soumis à des contraintes équivalentes. Alibi facile pour ne pas bouger. Il n’est pas certain que l’assouplissement de la position américaine soit aussi spectaculaire que ne le claironnent les premiers commentaires. En effet, si l’administration Bush a admis l’objectif pour 2050, elle n’a pas accepté de fixer des objectifs intermédiaires. Si bien que les conclusions du G8 de Toyako ne sont finalement pas très éloignées de celles du G8 de Heiligendamm (Allemagne), qui, l’an dernier, avait été considéré comme un échec… À l’époque, les « huit » ­s’étaient mis d’accord pour « envisager sérieusement » une réduction de moitié des émissions polluantes d’ici au milieu du siècle. Ce dossier devait être de nouveau à l’ordre du jour du G8, mercredi, en présence de huit autres grands États invités, dont la Chine, l’Inde et le Brésil. Dès mardi, Greenpeace a estimé que l’accord de Toyako « n’empêchera pas le chaos climatique ». Deux autres ONG, Oxfam et WWF, ont regretté l’absence d’objectifs chiffrés et concrets à moyen terme. Et l’un des représentants de l’Afrique du Sud a jugé cet accord *« vide de sens ».
*
Par ailleurs, comme on pouvait s’y attendre, le G8 s’est inquiété de la flambée des prix du pétrole et de nombreux produits alimentaires. Mais leur inquiétude porte significativement non sur la famine mais sur « la stabilité de la croissance mondiale ». Concernant le pétrole, les dirigeants du G8 en appellent aux pays producteurs pour qu’ils accroissent « à court terme » leurs capacités de production et de raffinage pour freiner l’envolée des cours sur le marché pétrolier. Pas question évidemment d’envisager des économies de consommation, et moins encore d’autres comportements industriels et sociaux. Le G8, fidèle à sa doctrine néolibérale, ne connaît qu’une façon de faire baisser les prix : en augmentant l’offre.

Au chapitre politique, le G8 n’a pris aucune sanction contre le régime du président zimbabwéen, Robert Mugabé, récent vainqueur d’une élection dont il avait écarté son principal rival. En revanche, la question des sanctions devait être abordée mercredi dans le dossier iranien. Le G8 devrait lancer un nouvel appel à l’Iran pour que ce pays suspende ses activités d’enrichissement d’uranium, qui font planer le soupçon de vouloir se doter de l’arme atomique. Mardi, le grand quotidien japonais Yomiuri Shimbun publiait toutefois un entretien avec le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, dans lequel celui-ci adressait déjà une fin de non-recevoir à tout appel du G8 en ce sens, jugé par lui « illégitime ».

Monde
Temps de lecture : 3 minutes