Au temps de La Cinq et d’Antenne 2

Chronique quotidienne du petit écran, les premières heures du « Zapping » prennent des allures d’archives.
Un anniversaire jubilatoire et instructif.

Jean-Claude Renard  • 24 septembre 2009 abonné·es

Putain, vingt ans ! Voilà donc quatre lustres que « le Zapping » gifle le sommeil du téléspectateur. En termes de télévision, une éternité, à l’instar des « Guignols » et de « Groland », sur la même chaîne (soulignant une certaine liberté d’expression). Une éternité saluée en quatre parties de quatre heures chacune, suivant la chronologie. Si « le Zapping » est un choix d’images, placé dans la mémoire de la chronique, Patrick Menais a opéré une sélection dans la sélection. Trié dans le nerf d’une Babylone d’images. En septembre 1989, « le Zapping » s’ouvre alors sur une rediffusion du drame de Tien An Men, avant que le dalaï-lama ne s’exprime dans « Apostrophes ». Au Danemark, on célèbre un mariage entre deux hommes. Puis le bras d’une grue arrachant un pan du mur de Berlin, la fuite des Ceausescu, Christophe de Ponfilly évoquant son premier reportage en Afghanistan et l’inauguration d’un McDo à Moscou, les Inconnus sévissant allègrement, la libération de Mandela, le refus du sacrifice d’un soldat français sur l’autel du pétrole et le premier « Journal du hard ».

Des leitmotivs dans ces années télé : « Des chiffres et des lettres »,
le docu animalier, la futilité des jeux (« le Juste Prix » ; « Tournez manège » ; « Intervilles »), le talk-show (« Ciel mon mardi ! »), les Nuls (véritable pavé dans la mare de la télé). Des résonances aussi avec l’actualité : Frédéric Mitterrand commentant le défilé du Bicentenaire, la dictature de Saddam Hussein, les emportées lyriques et ridicules de Francis Lalanne, les inquiétudes sur la couche d’ozone, le droit de choisir sa mort, l’album Dangerous de Michael Jackson. Là-dedans, heureusement, le ridicule ne tue pas. Ni les fans de Patrick Bruel et sa voix cassée, ni Kouchner demandant pardon pour le scandale du sang contaminé, ni Jeannie Longo annonçant (en 1989) sa décision irrévocable d’arrêter la compétition. Ce nectar du « Zapping » possède quelques bijoux : une prison cubaine filmée par Nestor Almendros, la silly walk des Monty Python, Hervé Guibert, juste avant de mourir, fixant une caméra sur sa vieille tante.

L’époque est à Antenne 2, à FR 3 et à la Cinq berlusconienne, ce sont encore les heures d’Yvette Horner, d’Alice Sapritch et de Jean-Claude Bourret. Raël et le Mandarom sont invités chez Dechavanne, Gillot-Pétré fait le malin devant les cartes de Météo France. Et, déjà, Moustic présente un JT : il hésite, temporise, empêtré devant les dépêches. Et annonce : « La France a basculé à droite ! Bien entendu, je n’hésiterai pas à interrompre ce journal pour vous montrer des images de la catastrophe. »
*
Au fil des images, au-delà du décryptage au quotidien, « le Zapping » acquiert une valeur d’archive. Chargées de news, les premières années se font « impressionnistes », le politique ne s’est pas encore imposé à la télévision, tandis qu’après la chute du Mur surgit la figure sale du musulman, rehaussée par la guerre du Golfe. Tombe l’heure de l’imposture journalistique, de PPDA interviewant Fidel Castro au faux duplex de Guillaume Durand dans un hôpital, du prétendu direct de Bruno Masure avec un dirigeant de l’OLP aux convois militaro-humanitaires en Somalie mués en parodie de Paris-Dakar pour le bien des JT. Dans ces conditions, *« le grand corbeau noir »
que chante Ringo est bien le petit écran défoncé à l’envi par le professeur Choron. Une autre époque…

Publié dans le dossier
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