Un Macbeth d’aujourd’hui

Un spectacle vraiment européen à la Comédie
de Saint-Étienne.

Gilles Costaz  • 4 novembre 2010 abonné·es

Jean-Claude Berutti, actuel directeur de la Comédie de Saint-Étienne, ne sera pas reconduit à la tête de son théâtre. Il n’aura pas eu un si long règne que ses prédécesseurs Jean Dasté et Daniel Benoin. Son remplaçant est désigné : Arnaud Meunier, jeune homme très actif qui, à n’en pas douter, incarnera une nouvelle ère dans l’histoire de ce grand centre dramatique. Mais Berutti avait l’avantage d’être un véritable Européen. Président de la Convention théâtrale européenne, qui regroupe beaucoup de structures de notre continent, il avait des projets audacieux du point de vue de la collaboration au-delà des frontières. Le Macbeth qu’il vient de réaliser est à l’image de ce qu’il voulait développer : des spectacles où les acteurs et les artistes apportent et mélangent leur ­culture et leur savoir-faire.

Ce Macbeth n’est pas tout à fait celui de Shakespeare. Il est d’Heiner Müller, ce citoyen d’Allemagne de l’Est qui a sans gêne réécrit beaucoup de grandes œuvres pour leur donner une autre résonance, moins une transposition d’un temps ancien à un temps moderne qu’une radicalité dans l’action et dans la vision (très noire) de l’espèce humaine. Quant à la troupe, elle réunit des acteurs de Saint-Étienne, de Roumanie ­(théâtre national de Craiova) et de Croatie (ZKM, théâtre des jeunes de Zagreb). On ne sait pas par quel hasard l’interprète principal, Jacek Maka, vient, lui, de Pologne. Mais l’ensemble est ainsi un puzzle ­unifié autour d’un texte majeur d’aujourd’hui.

Le spectacle est un grand carnaval bousculé par la morbidité de ses personnages. Au sol, des habits chiffonnés, comme une grande braderie. Sur les trois côtés, des échafaudages conçus par Rudy Sabounghi qui tiennent à la fois des couloirs du palais et des coursives des buildings contemporains. Macbeth et Lady Macbeth sont excessivement stylés, porteurs de l’hermine et de la pourpre des monarques, dans un monde où, autour d’eux, tout va à vau-l’eau. Les sorcières sont des femmes en maillot. Les tueurs s’affublent de masques d’animaux. L’action meurtrière se déchaîne, parfois aussi sanguinolente qu’au cinéma. Jacek Maka et Adela Minaë (qui joue également une sorcière, comme si tous les rôles se superposaient ou s’emboîtaient) ont une forte présence bouffonne et féroce. Ils sont entourés de Louis Bonnet, Roger Atikpo et bien d’autres, dont l’engagement physique est très au-dessus de la moyenne.

Culture
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