Un projet bien engagé

Bien des mesures qui figuraient dans le programme du FN ont été réalisées ou sont en passe de l’être, contribuant à sa banalisation.

Michel Soudais  • 13 janvier 2011 abonné·es

Bien avant que Nicolas Sarkozy pompe le FN (Politis n° 1119), ses prédécesseurs et amis politiques ont emprunté un grand nombre de mesures au programme du parti de Jean-Marie Le Pen. Plus le programme de ce dernier est ancien (il en existe quatre éditions principales : 1986, 1993, 2000, 2007), plus les propositions mises en œuvre sont nombreuses.

C’est particulièrement vrai s’agissant de l’immigration. En 1993, le FN demandait que tout naturalisé prête serment de loyauté envers son pays d’adoption ; la loi Sarkozy de 2003 impose une connaissance « des droits et devoirs » et organise le contrôle de celle-ci. Une période probatoire était réclamée pour toute naturalisation ; pour le moment, la fin de l’automaticité de celle-ci en cas de mariage est acquise : depuis 2006, le conjoint d’un Français ne peut demander sa naturalisation que quatre ans après son mariage. Quant à l’application de la loi sur la déchéance de la nationalité, elle s’applique depuis 2005 aux terroristes (délai de 15 ans), et depuis peu à ceux qui auraient porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police (délai de 10 ans). Vont aussi dans le sens de ses propositions les dispositions réglementaires rendant plus difficile le regroupement familial, que le FN voulait « abroger »  ; celles réduisant le droit d’asile ou visant à lutter contre le faux tourisme. Pour ne rien dire de l’ « expulsion effective des immigrés clandestins » , désormais soumise à des objectifs annuels chiffrés.

Au chapitre sécurité, le FN voulait faciliter les contrôles d’identité, la Loi sur la sécurité intérieure de mars 2003 l’a suivi. Accordée aussi, la sanction des « manifestations publiques d’incitation à la débauche et à la violence » depuis la création du délit de racolage passif et le retour, plus récent, d’une loi anticasseurs. La réduction des « délais des procédures de justice » est, elle aussi, bien avancée avec « la comparution à délai rapproché » pour les mineurs (Perben I) et la création, en 2004, du  « plaider-coupable » . En vigueur, la justice de paix que le FN voulait rétablir ! Les juges de proximité créés par la loi Perben I de 2002 en font office. En multipliant les comparutions immédiates, cette loi a aussi « réhabilité la notion de peine prompte » , Sarkozy s’occupant par ailleurs de la rendre « certaine et incompressible » par l’instauration de peines plancher pour les récidivistes. Le FN aurait pu dire merci.

Ces deux domaines n’étant pas les seuls à inspirer la droite, notons pêle-mêle que dans le programme du FN figuraient la réduction massive des dépenses publiques, l’abrogation de la carte scolaire, l’exigence d’égalité de traitement entre enseignement public et privé, une large autonomie pour les universités, le réexamen des droits de l’assiette de l’ISF, la suspension des prélèvements des droits de succession au sein de la famille, la possibilité pour les Français logés en HLM de devenir propriétaires de leur logement, l’harmonisation des régimes de retraite, l’adaptation de la réglementation du travail pour favoriser le développement du travail à temps partiel, la fin du monopole de l’ANPE, etc. Toutes propositions qui ont été mises en œuvre (ou ont commencé à l’être) par les gouvernements successifs.

Au train où vont les choses, la nouvelle patronne du FN va devoir sérieusement se creuser les méninges si elle veut encore se distinguer.

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