« La petite chambre » : Une amitié sensible

La Petite Chambre,
de Stéphanie Chuat
et Véronique Reymond, met en présence
de grands comédiens.

Christophe Kantcheff  • 17 février 2011 abonné·es

C’est un film qui fonctionne par deux. La Petite Chambre a deux réalisatrices, Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, qui signent ici leur premier long-métrage de fiction. Il relie deux thèmes, qui ne sont pas sans échos : le deuil d’un enfant mort-né et l’approche de la mort chez un vieillard. Enfin, il met en présence deux comédiens extraordinaires : Michel Bouquet et Florence Loiret Caille, actrice fétiche de Jérôme Bonnell, sidérante aux côtés de Guillaume Depardieu dans Au voleur, de Sarah Leonor, et à qui on peut promettre un grand avenir.

Le premier mérite des réalisatrices est précisément d’avoir eu l’idée de ce duo d’acteurs, d’avoir su convaincre Michel Bouquet de revenir au cinéma (il n’avait pas tourné depuis le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian, en 2004), enfin de réussir à capter ce que leur rencontre crée de solidarité et d’imaginaire. La Petite chambre est un grand film de comédiens, auxquels il faut ajouter Éric Caravaca et sa sensibilité à fleur de peau. Avec un acteur immense tel que Michel Bouquet, et bien que celui-ci soit dénué de toute volonté hégémonique, il était à craindre qu’il « aspire » sa jeune partenaire. Or, Florence Loiret Caille et lui jouent à égalité, avec la même intensité d’émotion, la même vérité. Comme si le talent, énorme, s’était transmis de l’un à l’autre. Voilà qui résonne avec le sujet même du film et ce qui s’instaure entre leurs deux personnages.

D’un côté, Edmond, un vieil homme bourru, en qui le souvenir de sa femme disparue il y a longtemps est toujours présent. Il vit seul dans son appartement, mais son fils, qui doit partir aux États-Unis, veut le placer en maison de retraite. De l’autre, Rose, une jeune infirmière, à l’écoute de ses patients, attentionnée, mais brisée par la mort de son bébé, qui n’est pas sans conséquences sur le couple qu’elle forme avec Marc (Éric Caravaca). L’enjeu du film n’est pas de deviner ce qui va se passer entre Edmond et Rose. Le suspense est inexistant : une complicité, une amitié vont naître. Et la petite chambre bleue, interdite, qui était destinée à l’enfant mort dans l’appartement du couple, va bientôt être investie par Edmond, en fugue, protégé par Rose.

Ce qui était a priori moins évident, en revanche, c’est la délicatesse avec laquelle les réalisatrices montrent cette « belle » histoire, qui réservait de sérieux pièges : l’émotion facile, le pathos ou, pire encore, la caricature du dialogue intergénérationnel. Tout cela est exclu. Edmond et Rose ­sortent chacun de leur destin pour aller vers l’autre, pour le connaître, l’aimer. Dans sa simplicité, la Petite Chambre vise haut : l’image juste. L’objectif est atteint.

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