Les gauches n’envisagent pas encore l’union

Pour le NPA et le Front de gauche, les divergences avec le PS justifient des candidatures séparées. Les écologistes sont plus hésitants.

Michel Soudais  • 28 avril 2011 abonné·es

Une candidature unique à gauche ? En dehors du PS, l’idée ne fait pas recette. Certes, nul ne conteste le problème posé par l’essor de l’extrême droite. « La crise économique facilite la montée de l’extrême droite en Europe » , analyse Myriam Martin, une des deux porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Face aux difficultés économiques et sociales, « ce n’est pas qu’un projet alternatif anticapitaliste qui germe dans la tête des gens », déplore-t-elle. Cela sonne presque comme un aveu d’impuissance pour endiguer la tentation nationaliste, le rejet de l’étranger et le repli identitaire. Mais « céder à la panique ne ferait qu’accélérer le phénomène », estime de son côté le secrétaire national du Parti de gauche (PG), Éric Coquerel. Au NPA comme au PG, on est convaincu qu’une candidature unique de la gauche ne pourra se réaliser que sur le plus petit commun dénominateur. « Ce serait une erreur de stratégie terrible » , met en garde Éric Coquerel. Et « de nature à apporter son meilleur argument à une extrême droite qui ne manquerait pas, alors, de se présenter en unique adversaire du système », complète Christian Picquet, porte-parole de Gauche unitaire, une autre composante du Front de gauche.

Tout en soulignant « la qualité des signataires » de l’Appel à l’insurrection civique, le responsable du PG pointe deux erreurs d’analyse. Le texte « reprend l’analyse du PS selon laquelle c’est l’émiettement des forces de gauche qui a conduit à son élimination le 21 avril 2002 » , alors que celle-ci a d’abord été causée par la « mauvaise campagne de Lionel Jospin » . Le FN serait une force qui aspirerait irrésistiblement les voix des ouvriers et des employés alors que les élections cantonales ont montré que celui-ci bénéficiait surtout des transferts de voix à droite. « Si un 21-Avril est à redouter, ce serait plutôt la droite qui pourrait le craindre » , tranche-t-il.

« Que le spectre d’un nouveau 21-Avril hante à ce point la gauche en dit long sur le sentiment, de plus en plus prégnant, que celle-ci n’est à la hauteur ni d’un ordre en pleine turbulence aux échelles nationale autant que planétaire, ni des attentes d’une société en proie à une overdose du traitement de choc qu’elle subit depuis trop longtemps » , relève, pour sa part, Christian Picquet.

Illustration - Les gauches n’envisagent  pas encore l’union

Pour le NPA, « le discrédit du PS et du social-libéralisme est légitime » , et l’on ne peut gommer qu’il existe « deux orientations à gauche »  : celle d’ « une gauche libérale au pouvoir en Grèce, au Portugal et en Espagne, qui fait payer la crise à la majorité » , et celle d’ « une gauche qui ne renonce pas, active dans les mouvements sociaux et les grèves » . C’est à cette gauche que le NPA propose de « se retrouver » , à condition qu’elle soit claire sur « l’indépendance par rapport à la social-démocratie » . Pas question d’un quelconque vote utile, donc. « On ne reconstruit pas une gauche de combat en votant pour le moins-disant » , coupe Myriam Martin. Face à la crise et au FN, « il faut un projet radicalement à gauche ». Démarche similaire au Front de gauche, où « la gauche de transformation sociale a commencé à s’unifier » , rappelle Éric Coquerel, qui s’étonne que l’Appel à l’insurrection civique n’y fasse pas référence. Un programme partagé serait en cours d’élaboration. Une dizaine de forums se sont déjà tenus. Une rencontre est d’ailleurs prévue avec le NPA, le 4 mai. En attendant, ni le NPA ni le Front de gauche ne font office de contrepoids sérieux.

Face à l’idée de primaire ouverte, les avis sont davantage nuancés du côté d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). Eva Joly n’est pas vraiment enthousiaste : « Je pense que c’est une erreur, que cela figerait la vie politique française, cela appauvrirait notre débat démocratique » , a déclaré l’eurodéputée candidate aux primaires écologistes. Nicolas Hulot, en revanche, ne s’estime « prisonnier d’aucune obstination et d’aucune obsession ». Le moment venu, si « les choses se précisent » , l’animateur d’« Ushuaïa » reconsidérera sa candidature. « L’angoisse d’un 21-avril – à l’envers ou à l’endroit – n’est pas illégitime. Les gens qui se posent cette question-là, en particulier Daniel Cohn-Bendit, ont raison de la poser » , précise Jean-Paul Besset, porte-parole de Nicolas Hulot. Face à la nouvelle percée du FN, « la seule réponse politique adaptée est de ne pas être seulement sur une position défensive d’un Front républicain, dos au mur. Il faut être à l’offensive sur un autre projet de société » . Reste que, deux mois avant le premier tour, si la menace ne s’estompe pas dans les sondages, un minifront républicain pourrait bien avoir lieu entre écologistes et socialistes.
La prise de position de Nicolas Hulot a été saluée comme « responsable » par le socialiste Jean-Marie Le Guen. Ce faisant, le député strauss-kahnien, qui s’exprimait sur LCI le 22 avril, a ajouté que « la gauche, et singulièrement le candidat porté par le PS, doit se fixer comme objectif d’être en tête au premier tour » . L’élimination de candidatures jugées inopportunes, au nom du risque que représenterait le FN, aurait aussi pour but de dégager la route à son champion. Et de lui éviter toute critique sur les questions sociales et écologiques ?

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