Les accros du nucléaire

L’Agence internationale de l’énergie a élaboré un scénario « bas nucléaire » pour 2035, mais noircit le tableau.

Patrick Piro  • 17 novembre 2011 abonné·es

C’est une première au sein de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) : son dernier rapport annuel prospectif – un document qui fait référence – envisage pour la première fois l’hypothèse d’un franc recul du nucléaire dans le monde.

Le sujet est sensible, et l’agence, une émanation de l’OCDE qui n’a jamais professé d’animosité envers cette technologie, s’offre un luxe de justifications et se défend d’énoncer une prophétie autoréalisatrice : après Fukushima, la confiance dans le nucléaire a vacillé, les assurances renâclent, les coûts augmentent, les opinions publiques se braquent… Et puis il y a le principe de réalité : plusieurs pays ont déjà fait marche arrière (Allemagne, Belgique, Italie, Suisse, Mexique…).

L’AIE a donc étudié une variante « bas nucléaire » de son scénario central pour 2035 : aucun nouveau réacteur n’est construit dans la zone OCDE, les pays hors OCDE (Chine, Russie, Corée, Inde…) réduisent de moitié le nombre de leurs projets, et la durée de vie supposée des centrales existantes est portée à 45 ans (au lieu de 50 ans). Résultat : la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité tombe de 13 % à 7 %.

Mais loin d’envisager cette projection comme une bifurcation historique possible, l’AIE noircit le tableau de ce déclin – qui ne concerne pourtant qu’une variation de 6 % de la production mondiale d’électricité, et seulement 1 % de la consommation toutes énergies confondues : il faudra un recours accru aux énergies fossiles (émissions de CO2, hausse des prix, etc.), craindre pour la sécurité énergétique, affronter des difficultés pour satisfaire la consommation dans les pays émergents…

Ce développement théorique sert finalement à valoriser le scénario central de l’AIE (dit « nouvelles politiques »), qui n’intègre qu’un mini-ajustement à la baisse de ses prévisions antérieures de croissance de la production nucléaire dans le monde : elle ne serait « que » de 70 % à l’horizon 2035. Fukushima : une vaguelette dans les politiques énergétiques mondiales.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Le changement climatique fait de plus en plus de victimes
Décryptage 3 novembre 2025 abonné·es

Le changement climatique fait de plus en plus de victimes

À l’approche de la COP 30, la crise climatique continue de s’aggraver. Si le phénomène s’intensifie, l’injustice climatique, elle, demeure. Pendant que les plus vulnérables sont en première ligne, une minorité d’ultra-riches continue d’alimenter ce dérèglement.
Par Maxime Sirvins
Dans l’archipel du Bailique, au Brésil : « Je crois qu’ici, tout va disparaître »
Reportage 3 novembre 2025 abonné·es

Dans l’archipel du Bailique, au Brésil : « Je crois qu’ici, tout va disparaître »

Au nord de Belem où se tient la COP 30, l’archipel du Bailique est en train de disparaître, victime de l’érosion des terres et de la salinisation de l’eau. Une catastrophe environnementale et sociale : les habitant·es désespèrent de pouvoir continuer à habiter leurs terres.
Par Giovanni Simone et Anne Paq
COP 30 : « L’accord de Paris est comme un phare, mais ce n’est pas une baguette magique »
Entretien 3 novembre 2025

COP 30 : « L’accord de Paris est comme un phare, mais ce n’est pas une baguette magique »

Marine Pouget, responsable « gouvernance internationale » pour le Réseau Action Climat, souligne le manque d’ambition des États en matière climatique et appelle à changer le modèle des COP pour aller vers plus de concret.
Par Vanina Delmas
Marie Toussaint : face à la destruction de l’Europe verte, « tenir le coup et se battre »
Entretien 21 octobre 2025

Marie Toussaint : face à la destruction de l’Europe verte, « tenir le coup et se battre »

L’eurodéputée écologiste raconte les coulisses du détricotage en cours du Pacte vert orchestré par la Commission européenne et appelle à une prise de conscience en France.
Par Caroline Baude et William Jean