Les écologistes parés pour 2012

EELV a validé les grandes lignes de son projet politique, et investi ses candidats dans les 63 circonscriptions législatives « gagnables » réservées par l’accord avec le PS.

Patrick Piro  • 22 décembre 2011 abonné·es

Après les psychodrames du mois de novembre, Europe Écologie-Les Verts (EELV) aspirait à un peu d’apaisement à l’occasion du conseil fédéral qui s’est achevé le 18 décembre. Au programme : l’adoption du projet qui sera défendu lors de la présidentielle et des législatives, et la désignation des candidats auxdites législatives, principalement dans les 63 circonscriptions réputées gagnables (1), où ils seront soutenus par le PS en vertu de l’accord électoral signé entre les deux partis à la mi-novembre.

Alors on a un peu mis de côté les griefs qui entourent les maigres concessions programmatiques arrachées aux socialistes, en particulier sur le nucléaire, ainsi que le peu de cas qu’en fait le candidat socialiste Hollande. Les écologistes entendaient aussi vérifier que les remous déclenchés par le mouvement d’humeur d’Eva Joly envers son parti et le PS étaient à ranger au rayon des mauvais souvenirs : c’est acquis.

La candidate a indiqué que le projet d’EELV sera bien la « boussole » du « contrat écologique pour la République » qu’elle présentera le 11 février prochain à Roubaix pour son premier grand meeting de campagne. Elle en a dévoilé les quatre priorités, scandées de petites phrases ciselées pour l’occasion : traiter conjointement l’urgence sociale et écologiste grâce à l’économie verte, par laquelle il est possible de créer « un million d’emplois »  ; fonder un pacte de fraternité –  « La xénophobie d’État made in France, ça suffit comme ça ! »  ; la défense d’une Europe fédérale, à l’heure où l’Union tangue ; et la promotion d’une « République des biens communs » pour en finir avec une Ve République aux pratiques délétères.

Les écologistes ont voulu tirer la leçon de l’excès tactique de revendications antinucléaires qui les a piégés dans leurs négociations face aux socialistes : si le débat énergétique reste un axe fondamental, c’est l’image d’un parti généraliste portant des réponses aux problèmes prioritaires des Français qu’EELV a voulu donner, dans un document riche d’une centaine de pages aux propositions très charpentées.

Pour cela, les écologistes étoffent le volet économique, basé sur une réduction des charges (gaspillage d’énergie, surconsommation, etc.) qui pèsent sur les foyers –  « dépenser moins pour vivre mieux »  –, et le développement d’une industrie écolocompatible : activités relocalisées, énergies vertes, transports moins polluants, isolation des bâtiments, recyclage… La finance folle est dans le collimateur : contrôles bancaires renforcés, plafonnement des très hauts salaires, réduction de la dette, etc.
Les questions sociales, économiques et environnementales sont fortement articulées. Ainsi le droit au logement est-il aussi une bataille contre la précarité énergétique ; la politique de santé priorise la lutte contre l’origine environnementale des maladies chroniques ; les impôts deviendront plus équitables et plus écologiques. Ambitions emblématiques mêlant solidarité, place du travail dans la vie et économie : EELV veut rétablir la retraite à 60 ans et engager la réflexion sur une semaine de 32 heures de travail. L’éducation occupe aussi une place majeure. « Seule règle d’or, ne laisser personne sur le chemin » , explique Eva Joly.

Le projet a été adopté à la quasi-unanimité du conseil fédéral, mais il n’en a pas été de même avec le morceau délicat de la réunion : la validation des investitures dans les circonscriptions législatives gagnables. C’est une mécanique un peu complexe, comme les affectionnent des écologistes toujours à la recherche d’équilibres entre de multiples critères.

Le vote des militants locaux avait dégagé un « vivier » de deux ou trois candidats par circonscription, à partir duquel la direction du parti a établi un scénario de désignation. Un vote des militants, le 9 décembre, avait établi les proportions à respecter entre les différents courants représentés au congrès de La Rochelle début juin. Mais la règle n’a pas été respectée, fulmine le pôle de gauche du parti, qui se retrouve avec 10 % de désignés alors qu’il pouvait prétendre à 25 %. S’estimant « exclu de fait » du pacte majoritaire signé à La Rochelle, il prépare une riposte publique.

La répartition a néanmoins été adoptée par 67 % des délégués du conseil. Parmi les ténors adoubés, et malgré l’irritation de certains socialistes (les maires de Paris et de Lyon) et communistes : Cécile Duflot (6e de Paris), Denis Baupin (10e de Paris), préféré à Eva Sas (qui part dans l’Essonne) et Yves Contassot, Philippe Meirieu (Lyon), Stéphane Gatignon (ex-PCF, en Seine-Saint-Denis), Lucile Schmid (ex-PS, Hauts-de-Seine). Par ailleurs, les députés sortants ont été réinvestis – Noël Mamère (Gironde), François de Rugy (Loire-Atlantique) et Anny Poursinoff (Yvelines).

Le cas des Bouches-du-Rhône, où les écologistes locaux ne veulent pas avoir à soutenir des proches du socialiste Jean-Noël Guérini, reste en suspens jusqu’en janvier. Mais c’est aussi le cas de toutes les autres circonscriptions « non gagnables », pour lesquelles le scénario de la direction d’EELV a recueilli moins de 60 % des votes nécessaires. Jérôme Gleize, pour la gauche du parti, veut y voir « la manifestation d’un ras-le-bol vis-à-vis de pratiques tout à fait détestables » .

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