Une fête pour Lumumba

Christian Schiaretti fait danser la pièce d’Aimé Césaire consacrée au héros congolais.

Gilles Costaz  • 7 novembre 2013 abonné·es

Aimé Césaire a 43 ans quand il écrit sa troisième pièce, Une saison au Congo, consacrée à Patrice Lumumba. On est en 1966. Lumumba, le principal acteur de l’indépendance du Congo, a été assassiné en 1961. L’auteur antillais n’écrit pas tout à fait à chaud, il lit beaucoup de documents sur un homme politique qu’il a à peine connu mais dont il a suivi avec admiration l’action dans la contestation puis comme Premier ministre météorique – il aura exercé le pouvoir à peine trois mois.

La « saison » dont traite la pièce, c’est à peu près l’année 1960. Les Belges accordent l’indépendance au Congo mais ne comptent pas retirer leurs réseaux. Lumumba, à la tête du gouvernement, met en place une véritable autonomie. Il est contesté par le président Kasa-Vubu et le secrétaire d’État Mobutu – encouragés par les Belges et l’ONU –, et fragilisé par la sécession du Katanga. Le voilà jeté dehors, puis au cachot, puis abattu. Cinq ans après, Mobutu, devenu président, fait tirer dans la foule qui crie le nom de Lumumba. Telle est la trame déroulée, où Césaire a changé certains noms pour les caricaturer (Mobutu devient Mokutu), mais pas celui de Lumumba. Une saison au Congo est presque une pièce injouable, bien qu’elle ait été immédiatement créée par une troupe belge en 1966 et montée en France en 1967 par Jean-Marie Serreau. C’est une énorme farce tragique, portée par un lyrisme cinglant et un chant d’amour désespéré. L’écriture alterne une réalité quasi journalistique et la transformation des faits par la comédie et l’envol poétique.

Christian Schiaretti, premier homme de théâtre à s’intéresser à cette pièce depuis des années, jette beaucoup de moyens dans la bataille : 37 comédiens et musiciens, la participation du collectif burkinabé Béneeré, la production du TNP, les conseils de l’écrivain Daniel Maximin, etc. Avec sa scénographe Fanny Gamet, il invente une forme qui tient de la place du marché, de la piste de danse et du rond-point des ponts et chaussées. Les hommes politiques et le peuple ne cessent d’aller et de venir dans un charivari toujours clair. Marc Zinga, en Lumumba, déploie une tension d’athlète. La soirée danse plus qu’Aimé Césaire ne l’avait imaginé. De telle sorte que la poésie politique y a vraiment des ailes.

Théâtre
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