Hinkley Point, l’acharnement d’EDF

Approuvé par Londres, le projet de construction des deux réacteurs anglais est un pari industriel et financier à haut risque.

Patrick Piro  • 21 septembre 2016 abonné·es
Hinkley Point, l’acharnement d’EDF
© Matt Cardy / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images/AFP

Theresa May, la Première ministre britannique, a finalement confirmé, la semaine dernière, la construction des deux réacteurs nucléaires EPR d’Hinkley Point (Sommerset). Après l’approbation de l’investissement par EDF en juillet dernier, et l’appui de Paris, la voie est libre pour la réalisation du projet. Apparemment. Car les embûches sont si nombreuses que de fortes critiques fleurissent même au sein d’EDF. En mars dernier, le directeur financier claquait la porte devant l’énorme risque pris par l’entreprise : un chantier de 22 milliards d’euros d’investissement (s’il n’y a pas de dérapage) dont elle assumera les deux tiers, Areva ayant décliné la prise de 10 % au vu de sa situation catastrophique. La CGT, très pronucléaire, s’affole de même et a déposé une plainte pour vice de procédure. « Suicidaire », s’écrie le réseau Sortir du nucléaire : déjà plombée par une dette d’au moins 37 milliards d’euros, comment EDF prétend mener de front le rafistolage de ses réacteurs vieillissants (au minimum 100 milliards d’euros), les provisions pour gérer les déchets radioactifs et démanteler demain ses installations ? « Encore une fois, les contribuables paieront les frais de cette folie. »

Selon EDF, Hinkley Point serait au contraire une poule aux œufs d’or ! Le contrat prévoit un prix de vente royal de 116 euros le mégawattheure, ce qui assurerait 120 milliards de rente au consortium pendant trente-cinq ans, selon des analystes anglais. Mais la promesse pourrait bien rester théorique.

Tout d’abord, EDF ne toucherait rien avant 2025, en supposant que la construction soit achevée en six ans, quand il aura fallu le double pour les deux premiers EPR européens, en Finlande et à Flamanville (Manche). Ensuite, Londres s’est dégagé de toutes garanties financières. Pour boucler le tour de table, EDF a donc dû s’allier au Chinois CGN pour un tiers de l’investissement, ce qui suscite la réticence anglaise, pour des raisons de sécurité.

La contestation pourrait venir aussi de citoyens britanniques lésés : le mégawattheure d’Hinkley Point est plus onéreux que celui que délivre une éolienne terrestre, et le déséquilibre avec les renouvelables va s’accentuer. La Cour de justice européenne aura aussi son mot à dire, saisie par l’Autriche (antinucléaire), qui juge contraire aux règles communautaires la décision britannique de subventionner le projet, prise avant le Brexit. Jusqu’à l’agence de notation Moody’s, qui menace de dégrader la note d’EDF, et que consultent les financiers pour jauger de la fiabilité d’un emprunteur.

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