Mode de garde : un libre choix ?

Dans 9 cas sur 10, la crèche constitue le premier choix, mais les enfants ne sont que 23 % à pouvoir y accéder.

Sabina Issehnane  • 8 mai 2019 abonné·es
Mode de garde : un libre choix ?
© crédit photo : LIONEL BONAVENTURE / AFP

Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a mentionné à de multiples reprises ces « vies oubliées » : « Lorsqu’on est une mère seule qui élève ses enfants, que Pôle emploi vous trouve un travail, bien souvent, le frein, c’est la garde des enfants. Et là aussi, les réponses, elles sont incertaines, elles sont au gré de l’entreprise. […] On doit là aussi, à Pôle emploi comme dans les conventions que les partenaires sociaux ont à bâtir, trouver des solutions pour corriger cette injustice. » Trouver un mode de garde est en effet un enjeu central pour l’emploi des femmes, mais Emmanuel Macron renvoie le seul traitement de cette question aux entreprises, aux partenaires sociaux, voire à Pôle emploi. Ce dernier propose déjà une aide aux parents isolés lors de la première année de la reprise d’un emploi ou d’une formation. Cependant, celle-ci n’est accessible qu’aux allocataires qui perçoivent un montant inférieur ou égal à l’allocation minimale. Qu’en est-il de la responsabilité de l’État et des collectivités locales concernant la prise en charge de la garde des enfants en bas âge ?

En France, plus de la moitié des enfants de moins de 3 ans (hormis ceux scolarisés à 2 ans) sont confiés à un tiers selon un mode payant : soit un mode de garde individuel, généralement une assistante maternelle agréée ou, dans de plus rares cas, une nounou à domicile ; soit un mode de garde collectif – crèche ou halte-garderie –, c’est-à-dire un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE). Dans 9 cas sur 10, ce dernier constitue le premier choix des parents au moment de la recherche d’une solution de garde ; pourtant, les enfants de moins de 3 ans ne sont que 23 % à pouvoir accéder à ce type de structure. Près des deux tiers des crèches sont municipales ou départementales, financées par les collectivités locales et la Caisse d’allocations familiales (CAF). Seuls 0,7 % des tout-petits sont pris en charge par les crèches mises à disposition par les entreprises et les établissements publics.

Pour les ménages les plus modestes, les modes de garde collectifs (1) sont ceux dont le coût net horaire est le plus faible, comparé aux modes de garde individuels. Ils ont l’avantage de posséder un personnel qualifié, avec des contrats stables, ce qui permet d’éviter que celles qui gardent les enfants soient elles-mêmes en situation de précarité. Le mouvement des gilets roses – ces assistantes maternelles qui se battent contre la future réforme du cumul emploi-chômage – ne doit pas être oublié.

Comme pour la durée du travail, qui renvoie à deux choix de société possibles (une baisse collective du temps de travail ou une baisse individuelle par le développement des temps partiels), la question des modes de garde se heurte à cette alternative : doit-on favoriser des modes de garde collectifs (plus égalitaires), qui demandent nécessairement une augmentation des dépenses publiques, ou doit-on développer les modes de garde individuels – ou pire, laisser les mères interrompre leur carrière, comme c’est trop souvent le cas ?

Sabina Issehnane Maître de conférences à Rennes-II


(1) Exception faite des microcrèches privées marchandes.

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