L’écologie passe par le socialisme !

Dans un essai didactique et brillant, le philosophe marxiste Michael Löwy explique toute l’acuité de la notion d’écosocialisme.

Olivier Doubre  • 22 juillet 2020 abonné·es
L’écologie passe par le socialisme !
La sauvegarde des écosystèmes est devenue incompatible avec la logique expansive du capitalisme.
© Klaus-Dietmar Gabbert/dpa-Zentralbild/dpa Picture-Alliance via AFP

Jusqu’à quand ? Avec la crise du Covid-19, mais déjà bien avant, tous ceux qui s’essayent à réfléchir sur l’évolution du monde contemporain, face aux immenses dangers qui menacent à la fois l’ensemble de l’humanité et la planète, s’interrogent sur les possibles voies pour modifier ce triste constat. Pleinement inspiré par la pensée marxiste, ce livre s’attache à montrer que le renouveau de cette pensée doit aujourd’hui se confronter à un défi majeur : l’urgence environnementale. Et ainsi mieux entamer une « révision critique profonde ».

Longtemps, la plupart des lectures de Marx et Engels, en particulier celles reposant sur la « conception matérialiste de l’histoire », se sont fondées sur une approche linéaire du progrès technique, faisant du développement capitaliste et industriel une étape fondamentale devant ouvrir la voie au socialisme. Aujourd’hui, il est devenu incontestable que « la sauvegarde des équilibres écologiques de la planète » est tout simplement devenue « incompatible avec la logique expansive et destructrice du système capitaliste ».

C’est là toute la thèse que le philosophe Michael Löwy, né au Brésil et vivant en France depuis 1968, proche du regretté Daniel Bensaïd (donc de la LCR), s’attache à présenter dans cet ouvrage particulièrement fouillé. Fidèle à un long engagement (au sein de la IVe Internationale), il s’essaie ainsi à dégager des voies nouvelles et solides pour renouveler, ou du moins améliorer, la pensée marxiste face à la « sauvagerie néolibérale » (pour reprendre l’expression du philosophe Pierre Zaoui). Outre que celle-ci écrase les peuples dans une exploitation sans limite, elle se traduit un peu partout par le saccage de la planète. Pour Löwy, « la poursuite de la “croissance” sous l’égide du capital » et de son incessante accumulation apparaît aujourd’hui clairement comme nous emportant vers « des catastrophes sans précédent ».

Présenté avec soin dans cet ouvrage didactique, l’écosocialisme se veut donc « un projet d’avenir, une utopie radicale », qui affirme, ou simplement constate, l’impossibilité de séparer complètement « environnement social et environnement naturel ». Mais il est surtout un « horizon du possible », qui dépendra des luttes à mener, rapidement, « comme celle de Seattle en 1999, qui a vu la convergence des écologistes et des syndicalistes, ainsi que la naissance du mouvement altermondialiste ». Aujourd’hui, dans plus de deux cents pays, des millions de jeunes sont déjà engagés dans ces mobilisations, inspirés notamment par « les critiques radicales de Greta Thunberg contre les “décideurs” aveuglés par l’argent et par le mythe de la “croissance” ». En avant, camarades !

Qu’est-ce que l’écosocialisme ? Michael Löwy, Le Temps des cerises, 192 pages, 14 euros.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

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