« Feu follet » de João Pedro Rodrigues : le corps brûlant des pompiers

Le cinéaste met élégamment en scène une « fantaisie musicale » gay plus sérieuse qu’elle n’en a l’air.

Christophe Kantcheff  • 13 septembre 2022 abonné·es
« Feu follet » de João Pedro Rodrigues : le corps brûlant des pompiers
© Photo : JHR Films.

Comment se fait-il que le fils d’un roi (potentiel : il régnerait si le Portugal était une monarchie) désire devenir pompier ? Pour la bonne raison qu’il est sensible aux arbres et alarmé par les incendies qui font rage dans son pays. Tel est le prince Alfredo (Mauro Costa), qui veut aussi se défaire de l’emprise de ses parents, aux modes de pensée et de vie d’un autre temps.

Feu follet, João Pedro Rodrigues, 1 h 07.

Feu follet se présente comme une « fantaisie musicale » : avec beaucoup d’humour, on y chante et on y danse, l’humeur est gay et le registre peu réaliste. On y voit même un petit clin d’œil au Charme discret de la bourgeoisie, de Buñuel, avec ces scènes de repas familial dont les convives ont conscience qu’ils sont vus par nous, les spectateurs, et nous font quelques adresses.

© Politis

Le nouveau film de João Pedro Rodrigues (O Fantasma, Mourir comme un homme…) est empreint d’une formidable légèreté, servie par une élégante mise en scène. Il s’ouvre pourtant sur Alfredo agonisant, en 2069, à côté de qui joue un enfant avec un modèle réduit de camion de pompiers, avant de revenir cinquante ans plus tôt.

Au cœur de cette fantaisie musicale, il y a aussi cette question on ne peut plus sérieuse : est-il possible de sortir de la condition à laquelle on est assigné ?

Comme souvent, le cinéaste joue avec les contrastes. Le blond au teint clair Alfredo est initié chez les pompiers par le noir de peau Afonso (André Cabral), les deux entamant une histoire d’amour. Une scène de sensualité et de sexe a lieu dans un paysage calciné. La musique électronique du groupe Ermo (sur une superbe danse collective des pompiers) côtoie une comptine pour enfants. Des hommes du feu dénudés jouent à reconstituer des tableaux de la Renaissance, un rien transformés dans leurs titres en mode porno gay, mettant au défi Alfredo, étudiant en histoire de l’art, de les reconnaître.

Réjouissante utopie

Au cœur de cette fantaisie musicale, il y a aussi cette question on ne peut plus sérieuse : est-il possible de sortir de la condition à laquelle on est assigné ? L’amour entre le racisé Afonso et le prince Alfredo a-t-il un avenir ? Alfredo peut-il sérieusement devenir pompier quand son statut de prince héritier peut, à tout moment, le rappeler pour qu’il tienne son rang ? Quelles formes prendront les projets d’Afonso, étudiant en sociologie ?

Le film donne quelques réponses à ces questions, dont le réalisme tranche avec l’esprit d’ensemble. Sauf dans la séquence finale, très réjouissante utopie bien qu’elle se déroule lors des obsèques d’Alfredo en 2069. Feu follet ? Un film décidément délicieux.

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Cinéma
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