Copenhague, huile et vinaigre

Patrick Piro  • 17 décembre 2009
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Flics danois, qu’eussiez-vous voulu qu’ils fissent à la vision d’un bus brinquebalant et peinturluré sur les routes du royaume ? Qu’ils l’arrêtassent. Ce qu’ils firent, en présence du suspect véhicule, menant la Caravane solidaire soutenir le climat et ses affligés. Les passagers n’étaient peut-être pas tombés de la dernière douche : départ de Toulouse deux jours plus tôt, pause à Clermont-Ferrand, étape à Paris, et bien d’autres ensuite avant Copenhague. L’intuition policière étant ce qu’elle est, une triple association d’idées se fit jour : des chevelus, une grosse manifestation le samedi 12 vers le Bella center où se tient le sommet climat, et surtout une trentaine de bidons plein d’un liquide jaunâtre sur la galerie, tout conduisit à penser que l’on tenait là de furieux terroristes. On a d’ailleurs leurs affiliations : clowns activistes, membres du Droit au logement, de MO-TV.fr, du collectif Chiapas, de Cravirola.com, d’Attac, etc., et surtout de l’association écolo Roule ma frite (Charentes-maritimes). Les 250 litres de liquide, c’est eux, de l’huile de friture récupérée pour couper le diesel du bus, 50-50. Sympa, comme acte concret pour le sommet climat.

Illustration - Copenhague, huile et vinaigre

Mais la police danoise n’est pas payée pour s’occuper du climat. Peu lui chaut que la Caravane prévît de repartir le 17 décembre, elle confisqua le carburant de substitution et déclara péremptoire qu’il ne serait restitué que le 22. Pourquoi pas à Noël ou au jour de l’An ?
La perspective de raquer pour 250 litres de diesel imprévus au budget agaça l’équipée, et plus encore que sa bonne foi écolo soit mise en cause par des béotiens pro-fossiles. Voilà la Caravane embarquée bien à leur insu dans un combat pour la justice climatique : récupérer l’huile.
Il n’est de pire sourd qu’un commissariat qui ne veut entendre.

Récriminations, injonctions, menaces de tout dire à la presse et même présentation d’un certificat officiel du ministère de l’écologie français, rien n’y fit, l’huile reste sous séquestre. Le chef invoque la venue d’une commission d’experts scientifiques, chargée d’évaluer si le liquide peut servir à fabriquer des explosifs.
Lundi, l’affaire tourne au vinaigre : la police débarque au Klimaforum des alternatifs et embarque 36 militants pro-bidons pour une garde à vue de plus de 24 heures.
Les flics aboient, mais ça ne passe pas pour la Caravane, qui fait donner les huiles. Bové intervient. Et puis c’est Ségolène (qui est bien là, donc), qui en parle au maire de Copenhague en personne à l’heure de la salade. Deux coups de fourchette plus tard, voilà l’huile soudainement de retour en sainteté. Tout redevient fluide, il n’y a plus de friture sur la ligne, même les experts en explosifs s’y rallient, et le chef de la police de la ville est aux ordres.

La Caravane a récupéré ses bidons. Qu’eussiez-vous voulu qu’elle fit ? Qu’elle portât plainte pour ce comportement inacceptable. Elle y songe. « C’est un symbole des contradictions du Bella center, on ne peut pas laisser passer ça » , se délecte une militante.

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