Lard de la censure

Pour venger un illustrateur, quarante éditeurs publient un recueil de dessins rageurs.

Marion Dumand  • 21 juin 2007 abonné·es

Un policier muni d’un groin ? Ça n’existe pas, ça n’existe pas… ont entonné ministère de l’Intérieur et Justice française. Ou plutôt, ça ne doit pas exister. En janvier dernier, le dessinateur Placid, auteur de Vos papiers ! Que faire face à la police ? , l’a appris à ses dépens et l’a payé de sa poche : 500 euros d’amende. De même que son éditeur, L’esprit frappeur, et le magistrat Clément Schouler, qui avait osé dire que les contrôles au faciès existaient. En réaction à cette censure, quarante éditeurs se sont regroupés pour publier Tous coupables, 400 pages de rébellion (voir Politis n° 948). 400 pages… et autant d’illustrations rageuses, jubilatoires, poétiques ou scatologiques, offertes par des dessinateurs de presse ou de bande dessinée, illustres ou méconnus. Un sacré aperçu de talents ! Et une plongée dans le travail propre au dessin de presse : comment symboliser une situation, la rendre drôle, ou du moins caustique.

Pensez ! Tous les éléments étaient réunis pour déchaîner l’imagination : police, justice, cochon, art, censure. Prolifèrent alors les jeux de mots : « lard brut » , « porc du képi » , « porc-monnaie » … Les « mort aux vaches » animent une incroyable ferme où les poulets ont des airs de loup ou de mouton, où les paniers à salade font « gruiiik » . Où les boucheries fleurissent grâce aux CRS (Cochon Rillettes Saucisson) brandissant une saucisse de Morteau en guise de trique. La plume pousse dans ses retranchements une censure absurde : si le groin ne sied au visage de la police nationale, que dire des queues (en tire-bouchon) ou des culs fangeux ? Un flic ne saurait être un cochon, mais un singe, un Bambi ou un gentil pinson seraient-ils mieux tolérés ? Pas sûr : le bleu se marie mal avec ces noirs et blancs, précis ou explosifs, allant à l’essentiel ou s’égarant dans un baroque underground. « Je préfère l’excès de caricature à l’absence de caricature » , commentait notre petit homme national lors du procès de Charlie Hebdo . Cochon qui s’en dédie…

Culture
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