Courrier des lecteurs Politis 959

Politis  • 5 juillet 2007 abonné·es

Solidarité avec le Maroc

Je suis abonnée à Politis et je m’étonne au fil des semaines de ne pas voir dénoncée la situation alarmante des droits de l’homme au Maroc : répression policière, relents des années de plomb, alors que continue le matraquage médiatique qui veut faire croire à un Maroc ouvert, en marche vers un État de droit ! Sans compter les promesses non tenues et une bonne partie des résolutions de l’instance Équité et Réparation non appliquées, véritable leurre qu’on finira par oublier…

Quelques faits récents. Le 1er mai, à l’issue des défilés de la fête du travail, dans quatre villes : arrestations, matraquages, emprisonnements. Quelques jours plus tard, sit-in pacifique pour protester, à Beni Mellal. Répression encore plus brutale : deux à trois ans de prison pour 17 militants, avec 10 000 dirhams d’amende. Le 15 mai : journée nationale de solidarité envers ces victimes. Les forces de l’ordre se déchaînent contre les manifestants, traînent la présidente et les deux vice-présidents de l’AMDH par les pieds, les battent, s’acharnent contre une trentaine de manifestants, dont une quinzaine ont été hospitalisés.

Quelques jours auparavant, une étudiante sahraouie est torturée par un policier qui lui enfonce la matraque dans l’oeil jusqu’à le faire éclater.

Autre fait qui suscite des protestations : les deux plus anciens prisonniers politiques du Maroc, Ahmed Chahid et Ahmed Chaïb ­ vingt-quatre années derrière les verrous ­, ont obtenu à l’issue d’une éprouvante grève de la faim de quarante-quatre jours la promesse écrite de réduction de peine à vingt-cinq ans, et également la promesse écrite de pouvoir recevoir à nouveau la visite d’amis, droit qui leur a été retiré depuis une dizaine de mois. Cette dernière promesse n’a pas été tenue. Les visites qui étaient une fenêtre ouverte sur le monde extérieur, dont ils sont exclus depuis un quart de siècle, sont toujours interdites à tous leurs amis, même à ceux qui ont partagé leur cellule pendant des années.

Nous pensons que ces agissements du pouvoir, contraires aux droits de l’homme, doivent être dénoncés dans la presse française.

Marie-Jo Fressard, Gap (Hautes Alpes)

Des pétitions de protestations (écrites ou en ligne) peuvent être demandées à Solidarité Maroc-05, « É’changeons le Monde », 17, rue Jean-Eymar, 05000 Gap France, solidarite.maroc.05@tele2.fr

Le peuple imbécile

Les discussions actuelles sur le traité « simplifié » pour « relancer » l’Europe sont l’occasion de constater que nos médias de masse comme nos « politiques » ont su en tirer une leçon fondamentale : le peuple est imbécile, et on ne peut décidément pas lui faire confiance pour les choses importantes. Aussi convient-il d’éviter de lui demander son avis.

Cela donne, dans le Monde du 21 juin, des petites phrases à mourir de rire (jaune), telles que celle-ci : « Afin de peser sur les consultations d’avant-sommet, le prochain locataire du 10-Downing Street a menacé à plusieurs reprises d’organiser un référendum pour ratifier le texte. » Voilà donc la menace suprême entre gouvernants, que l’on peut reformuler ainsi : « Soit vous acceptez de modifier le texte comme nous le souhaitons, et on le fait ratifier par nos parlementaires, qui sont des gens fiables et de bonne compagnie, soit vous refusez, et je demande l’avis du peuple, et là, vous allez voir ce que vous allez voir. » Ah, ah ! Non mais des fois ! Nul doute que ce type de menace fait désormais frémir nos oligarques.

Le pire est que cela paraît parfaitement normal à nos journalistes de cour. À tel point qu’ils n’hésitent même plus à l’écrire, toute honte bue.

Je me demande parfois si nous vivons sur la même planète.

Pierre Raffenot, Grenoble (Isère)

La République des coulisses

Voulant réagir, au départ, à l’article « Peut-on critiquer le capitalisme~? » et me fendre d’une réponse quelque peu jésuite ­ «Peut-on dire que le Nouvel Observateur soit un journal progressiste~?» (ouaf) ­, je me suis pris au tourbillon d’une courte cogitation sur cette permanence du conciliabule, qui semble malheureusement participer de toute entreprise démocratique à cejour.

À l’ombre des ors, des pendrillons, des arrière-boutiques, on élabore, on négocie, puis on déboule dans l’arène, bardés d’emporte-pièce, de ronronnantes inanités (ah, le culte de la phrase creuse, qui se veut choc~!). On a l’impression d’être constamment infantilisés, réduits, instrumentalisés. Alors deux ou trois postures restent possibles.

On plie ses gaules, et on va voir ailleurs~; on résilie ses abonnements, on cale son poste sur une station musicale et on s’aperçoit que le monde tourne exactement de la même manière sans nous.

On change de braquet. Première demande~: interdiction de faire apparaître un visage sur une affiche ou un programme politique, on ne va pas continuer sans cesse à dire que le brushing de Nicolène est plus moussu que celui de Ségolas, opposer les moustaches de Bové et de Mamère, ou entendre dire~: « Je n’y peux rien, mais il ou elle m’énerve. » Ne vous semble-t-il pas que le puissant débat sur la ratification ou le refus de ce fameux traité européen nous avait donné l’image d’un pays en réelle discussion idéologique~? Avec certaines discrétions d’organes bien établis que j’ai trouvé de bon aloi. Enfin, on pouvait douter, argumenter, changer d’avis, dire des conneries, les regretter, et hésiter jusqu’à ce qu’une certitude ­ fût-elle temporaire ­ nous dicte le choix du bulletin. J’ai aimé entendre Cohn-Bendit avouer qu’il faisait un pari, en votant « oui ». J’ai aimé le courage politique des élus du PS qui ont, en conscience, appelé à voter « non », mettant sacrément en péril leurs relations internes pour les mois qui ont suivi. Bref, on ne se prononçait pas alors sur des tronches ou des habiletés de tribuns.

Au lieu de s’échiner à collaborer (ah le beau vocable~!) à l’Obs , fût-il hors série, si doté soit-il d’un titre alléchant (c’est quand même la spécialité qu’il se partage avec Jean-François Kahn~!), on se penche sur le cas de Politis . Là, au moins, on ne se bagarre pas avec les pages de pub pour trouver le rédactionnel, et la question ne se pose pas~: on peut critiquer le capitalisme, on peut même parler de ses paradoxes, du moins je l’espère~!

Jacques Gandon (courrier électronique)

Parler clair

Le problème auquel se trouve désormais confrontée la gauche antilibérale n’est pas celui de l’absence de débat ni celui de la dilution de ce qui flotte encore des idées et mythes fondateurs du socialisme dans une idéologie social-démocrate […].

Le vrai problème semble résider dans tous les consensus mous cumulés depuis des années, dans l’absence de lignes de clivage, dans la réticence manifeste de tous les réformateurs en puissance à se déclarer un peu plus nettement que sur un blog illustrant leur geste personnelle.

Le vrai problème est au premier rang de la salle du conseil national du PS, avec ces éléphants massés, prêts à faire don de leur personne au courant le plus porteur.

C’est bien là cette gauche de recyclage qui a davantage soif de pérennité que de politique autrement et semble encore se comporter comme si Sarkozy, ayant inventé de nouvelles façons de dorer la pilule, allait prolonger la distribution de la manne pseudo-ministérielle.

Après les grands succès comiques de la démocratie participative et des livres de recettes de refondation, n’est-on pas déjà rendu à la présidentielle de 2012 et à une nouvelle campagne de « Votez pour moi », alors que l’on décide déjà de ne rien décider dans la précipitation […] ? Le PS passera-t-il donc à la post-sarkozité comme le parti incapable de tirer la moindre leçon de ses échecs ou de ses succès ? Je suis de ceux qui considèrent que la pointure unique ­ One size fits all ­, pensée unique façon New Labour, ne présente guère que l’avantage de fournir à un maximum de tigres en papier l’occasion de figurer sur la photo en espérant passer pour des hommes politiques, voire des hommes d’État, alors qu’en chefs de bande ils sont si peu convaincants. Si l’on souhaite que le prochain avatar du PS ­ après les fabliaux pipoles de la direction familiale ­ ne soit pas le numéro final de la gauche laminée, peut-être conviendrait-il que tous fassent preuve d’un peu plus de sérieux ? Ou leur bon profil sur la photo a-t-il tellement d’importance à leurs yeux ? Si tel était le cas, qu’on les rassure : ils ont raison de bien s’en occuper, parce que nous, on s’en fout.

Georges Michel, Cherbourg-Octeville (Manche)

Exigences universitaires

Je crains que le combat syndical contre le projet de loi, dangereux au demeurant, ne fasse encore l’économie des vrais problèmes. L’Unef, comme d’ailleurs la FSU, se félicite de la massification réussie de l’Université, mais regrette que la démocratisation ne soit pas achevée. Par ailleurs, la France ne compterait pas assez d’étudiants, et la sélection serait un non-sens (sic). Enfin, l’Unef constate que les plus favorisés socialement réussissent le mieux. Il faudrait peut-être que les dirigeants syndicaux ouvrent les yeux et s’aperçoivent que la massification de l’Université ainsi que l’augmentation relative du nombre de diplômés se sont faites au détriment des exigences universitaires. Il faut sortir de ce mensonge total sur le niveau qui monte. Nous sommes confrontés àl’Université à une baisse dramatique des connaissances de base, tout cela ayant été d’ailleurs encouragé par les différentes réformes universitaires et du secondaire, et, dans un certaine mesure, accompagné par les syndicats, en particulier étudiants.

Le problème de la sélection se pose donc aujourd’hui de manière dramatique. Il ne s’agit pas, bien sûr, de restreindre le nombre de places à l’Université ou au niveau du master, mais de définir quelles sont les exigences en termes de connaissances qu’il faut avoir pour rentrer à l’université ou pour accéder à un master. Le système actuel, avec ses multiples compensations et le poids important accordé au contrôle continu (qui ne juge le plus souvent que la capacité à mémoriser « sur le coup » ou des compétences purement techniques), fait que l’échec a diminué. Nous avons par ailleurs des consignes de plus en plus fortes, en interne, pour, d’une part, alléger les programmes et, d’autre part, corriger les plus mauvaises notes. La compétition entre les disciplines fait qu’il faut avoir le plus d’étudiants possible inscrits en master ou en section L si on veut espérer conserver les filières et les postes, d’où la tendance à donner les diplômes en espérant récupérer dans la masse (ou dans la nasse) 5 à 10 % de bons éléments pour alimenter les laboratoires de recherche en main-d’oeuvre. S’élever contre la sélection, comme le fait l’Unef, est donc passablement démagogique et surtout inconséquent. Le but des réformes étant de vider la plupart des diplômes de leurs connaissances au profit d’un faux savoir purement instrumental, on peut s’interroger sur la logique poursuivie par l’Unef, mais aussi par la FSU, en ne mettant pas en avant l’indispensable besoin d’exigence sur les contenus des diplômes délivrés. Pour bien être compris, il ne s’agit pas de ne prendre que les meilleurs, ce que font d’ailleurs avec succès les grandes écoles, mais de ne valider les diplômes que lorsque les étudiants auront atteint le niveau d’excellence requis. Cela demande bien sûr quelques moyens, mais surtout une refonte des programmes dans l’École et l’Université. Pour les élèves les moins bien lotis socialement, il est clair qu’il faut qu’ils travaillent plus que les autres pour rattraper leurs retards. Dire l’inverse est démagogique. Nous pourrions là réfléchir à mettre en place de véritables études surveillées et obligatoires, et à rétablir un vrai cycle propédeutique à l’Université. On criera volontiers à la stigmatisation des pauvres, mais lorsque l’on voit le succès des cours privés, on doit se poser la question. Enfin, nous pourrions sortir du discours de « gôche », où l’on dit aux élèves que l’on peut apprendre en s’amusant. Ce n’est pas faux, mais le plaisir vient surtout après que l’on a réussi à comprendre, et cela demande parfois de passer par des périodes très ennuyeuses où il faut simplement apprendre. Là aussi, la valeur travail doit être remise au goût du jour pour les étudiants et les élèves. Je sais que ce discours paraîtra un peu conservateur, voire sarcomateux, parce que tous les problèmes sont « la faute à la société ultralibérale ». Il est vrai que l’on peut continuer à réclamer plus de postes et d’argent (ce qui est nécessaire) sans se poser la question de savoir quoi en faire.

Fabien Tell (courrier électronique)

Courrier des lecteurs
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