Courrier des lecteurs Politis 974

Politis  • 1 novembre 2007 abonné·es

Une interne en colère

Pauline Penot, interne en médecine, nous a demandé de publier une lettre adressée à la ministre de la Santé, « afin de faire connaître l’objet de [la] mobilisation [des internes] et d’y rallier l’ensemble des utilisateurs du système de santé pour parvenir, ensemble, à construire une réforme saine et concertée » .

Madame la ministre,

J’ai pris connaissance des mesures coercitives que vous voulez imposer à travers votre projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2008 et, à l’instar de mes collègues, je suis révoltée.

Vous prétendez pallier le déficit de médecins dans certaines zones géographiques en imposant un déconventionnement à ceux qui s’installent en dehors de ces zones. Or, pour le patient, le déconventionnement équivaut à un déremboursement.

Le déficit de médecins est lié avant tout à la politique aberrante pratiquée pendant trente ans. L’accès aux études de médecine était réduit de manière drastique jusqu’à ces toutes dernières années, selon cette idée simpliste qu’en limitant l’offre de soins on en réduisait la demande, et qu’on limitait ainsi le coût répercuté sur l’assurance maladie…

Mais la formation d’un nombre insuffisant de médecins, loin de limiter les dépenses de santé, a engendré la pénurie actuelle de praticiens. C’est pourquoi les inégalités de répartition, qui concernent l’ensemble des corps de métier, sont devenues criantes pour les professionnels de santé. La pratique du déconventionnement ferait de l’accès aux soins un enjeu dramatique de santé publique : seules les populations les plus favorisées pourraient supporter le surcoût.

Les mesures incitatives, visant à améliorer les réseaux de soins dans les zones peu médicalisées et à faciliter l’installation des jeunes médecins, ne sont pas appliquées. Et voici que vous prétendez résoudre l’équation en vous servant des professionnels de santé comme de pions sur l’échiquier de la santé publique, en refusant le conventionnement à ceux qui ne s’installent pas à l’endroit qui leur est désigné. Les mesures actuelles, du financement des hôpitaux à l’activité (c’est-à-dire au rendement) à la rémunération des professionnels de santé au mérite, et à la mise en place des franchises médicales, ont déjà entamé la destruction de notre système de soins. Votre politique de déconventionnement forcé serait un pas de plus vers une médecine « à deux vitesses », où se côtoieraient des professionnels adoubés et des professionnels dérégulés qui pratiqueraient des honoraires laissés à leur appréciation, ou négociés dans le cadre de contrats d’assurances privées. Ce pas supplémentaire, nous avons décidé de ne pas vous le laisser franchir. Sous l’impulsion du président de la République, le gouvernement auquel vous appartenez balaie les fondements de notre société. Les enseignants, les chercheurs, les éducateurs, les magistrats, les infirmières et les médecins sont traités comme quantité négligeable selon une idéologie qui érige le profit au rang de valeur fondamentale.

Aujourd’hui, les internes en médecine ne se battent pas dans un esprit de caste pour maintenir de prétendus privilèges. Après sept ans d’études et pour une charge de travail d’environ soixante heures par semaine, nous gagnons 1 500 euros net par mois ­ en dehors des gardes. Nous travaillons la nuit, le week-end, nous sommes dispersés pendant trois à cinq ans de spécialisation sur l’ensemble du territoire en fonction de notre rang de classement à un examen, sans mesure de regroupement familial. Ces conditions, nous les acceptons. Mais, arrivés à la trentaine, nous refusons d’être soumis à une installation autoritaire qui nous empêcherait de construire toute vie de famille et ne résoudrait en rien le problème de la démographie médicale.

Les concours sélectifs qui nous ont placés en situation de compétition ne nous ont certes pas appris à nous unir. Nous avons peu de culture politique, peu d’expérience de la contestation et de l’organisation militante. La visibilité de notre mouvement est réduite car nous assurons en ce moment la continuité des soins alors que 80 % d’entre nous sont en grève. Mais soyez bien certaine que nous allons trouver l’énergie et les ressources pour défendre l’égalité de l’accès aux soins et l’exercice de notre métier dans des conditions décentes.

Nous en appelons au soutien de tous les utilisateurs du système de santé, c’est-à-dire tous les citoyens, pour nous aider à contrer ce projet de loi et défendre, avec nous, une certaine idée de la santé, et de la France.

Pauline Penot

Le vote des étrangers

Le président de la République a mis en place un « comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République ». Ce comité doit envisager sans tabou toutes les réformes dont la liste a été donnée par le Président avec quelques directives. Sans tabou… mais sans droit de vote pour les résidents étrangers. Pourtant, le candidat Sarkozy, à titre personnel, s’y est déclaré favorable. Avec un retard de vingt-six ans sur François Mitterrand et la gauche, Nicolas Sarkozy et la droite jouent le même morceau. « Il ne faut pas agir dans la précipitation » : la question est sur le tapis depuis trente ans ! « Le droit de vote des résidents étrangers sera l’objet du débat de la présidentielle » : la présidentielle est passée. « Il faut que le FN soit en position de faiblesse » : le « Paquebot », siège du FN, coule. « Pour donner le droit de vote aux élections locales, il faut réformer la Constitution. Vous rendez-vous compte ? » La Constitution a été modifiée à 19 reprises entre 1960 et 2005, dont 13 fois depuis 1992. Les prochaines révisions sont en cours… Les déclarations antérieures de certains membres du Comité pouvaient faire penser que la question serait posée. Pour le moment, dans la plus grande discrétion. Sans tabou ?

Paul Oriol, Versailles

Courrier des lecteurs
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