Un pays livré aux flammes

La dégradation des services publics, voire leur disparition par endroits, aggrave considérablement la catastrophe provoquée par les incendies.

Claude-Marie Vadrot  • 26 août 2010 abonné·es

Il aura fallu que la Russie brûle pour que la France se souvienne que ce pays n’est pas une démocratie et qu’il continue à se délabrer sans que la population profite de l’argent des nombreuses richesses vendues sans la moindre transformation. Ce qui entretient les fortunes de milliardaires russes qui s’amusent ensuite avec des journaux ou des équipes de football avant d’acheter ou de construire des villas sur les rives du lac Léman ou à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Les causes des incendies qui ravagent une partie des deux milliards d’hectares de la forêt russe relèvent évidemment de la canicule et de la sécheresse, mais la catastrophe est aggravée par l’état d’abandon du pays, par la disparition progressive de ce qui restait de services publics et de la démocratie chaotique gérée par Boris Eltsine. N’en subsiste qu’un pays-Potemkine symbolisé par un Parlement aux ordres et peuplé d’hommes d’affaires qui considèrent qu’un siège de député peut faciliter le commerce. La Douma n’est plus guère qu’un club où l’on fait des affaires à peine interrompues par le vote de quelques lois du Kremlin.

La Russie est mise en coupe réglée par les anciens du Parti et par les « nouveaux riches », souvent les mêmes puisque les apparatchiks ont découvert que l’argent donne plus de pouvoir et d’impunité que l’idéologie. Parmi ces gens, y compris au Kremlin, personne n’a voulu écouter les quelques spécialistes et scientifiques qui, dès la mi-juillet, ont prévenu que l’extension prévisible de la sécheresse exigeait des mesures de précaution. Ordre fut donné à la presse de l’ignorer. Cette même presse qui continue de diffuser des informations tronquées. Comme si les incendies avaient cessé et que l’essentiel était, comme à l’époque de l’URSS, de cacher l’étendue des dégâts et le nombre des morts, qui se ­comptent par centaines.

La Russie se révèle incapable de gérer une situation difficile, car les hommes d’affaires qui l’exploitent ont fait disparaître depuis une dizaine d’années toutes les infrastructures susceptibles de faire face à une catastrophe. Environ 60 % des camions anti-incendies, engins indispensables pour lutter efficacement contre les feux en forêt, datent de la fin des années 1970 ; ce sont plus des objets de collection que des outils efficients. Des équipes de secours se sont également rendu compte sur place que de nombreuses pistes forestières, non entretenues, avaient tout simplement disparu. Des centaines de casernes rurales n’existent plus, et dans la moitié de celles qui n’ont pas été vendues ou détruites il n’existe plus de tuyaux utilisables. Sans oublier que, sur les 17 millions de kilomètres carrés du territoire russe, y compris les villes, le nombre des pompiers professionnels est désormais inférieur à celui de la France, dont la superficie est pourtant 31 fois moindre. La majorité des gardes forestiers, seuls capables de repérer les feux de tourbes, ont été licenciés au cours des dernières années.

Enfin, pour comprendre ce qui se passe à Moscou et dans d’autres grandes villes, il faut savoir qu’après son « avènement » en 2000, le premier ministère qu’a définitivement supprimé Vladimir Poutine a été celui de l’Environnement, créé douze ans plus tôt par Mikhaïl Gorbatchev.

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