Du grand Charles à Nicolas le petit, le corps en politique

On n’a jamais autant parlé du corps du Président, dans son sens le plus large : taille, attitudes, vie privée… Remaniement vestimentaire, inflation capillaire, musculation présidentielle : autant de stratégies pour gouverner. Nous analysons ici, avec le sourire, les aspects du corps en politique.

Christophe Kantcheff  • 23 décembre 2010
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Du grand Charles à Nicolas le petit, le corps en politique
© Photo : SAGET-DUFOUR/AFP

Les talonnettes, les tics nerveux, le malaise vagal, le « casse-toi pauv’con », la sueur du joggeur, la Cécilia qui s’en va, la Carla qui vient, le mètre 68… On n’a peut-être jamais autant parlé du corps d’un président de la République – le corps dans son sens le plus large : la physionomie, mais aussi les attitudes, le langage, la vie amoureuse… – que de celui de Nicolas Sarkozy. Plusieurs raisons à cela : le fait que l’intéressé n’assume pas sa petite taille ; sa propension pourtant à l’exhiber sans retenue, souvent pour des raisons de communication, mais parfois à son « corps défendant » (une image non contrôlée, une femme qui le plaque…).

Moins spectaculaire, mais sans doute plus profond : avec Nicolas Sarkozy, le corps du Président a perdu une dimension que la plupart de ses prédécesseurs
de la Ve République ­portaient, celle qui ­représente la part ­abstraite, collective, institutionnelle de la fonction. De Gaulle ou Mitterrand, au-delà de leur simple personne, incarnaient la République, par un certain port, une autorité qu’on pourrait qualifier de « souveraine », tant l’analogie entre la monarchie et notre régime depuis 1958 a été faite.

Avec Nicolas Sarkozy, c’est l’un des « deux corps du roi » , pour reprendre le titre du grand livre de l’historien Ernst Kantorowicz, qui s’est perdu : le « corps politique ». Reste le « corps naturel » , autrement dit le corps prosaïque, individuel, limité à la seule personne de ­Sarkozy, comme si, dans ce domaine aussi, une privatisation avait eu lieu, celle du corps présidentiel.
Ce sont donc ces évolutions du corps en politique que nous avons souhaité examiner, non sans sourire. Car si l’image renvoyée est devenue un enjeu considérable dans notre société médiatique, et les messages transmis par son intermédiaire d’une importance indéniable, le corps reste malgré tout un espace où la maîtrise ne peut être totale, et où le ridicule est toujours menaçant. Le cinéma l’a montré avec une redoutable efficacité aux dépens de deux des plus grands dictateurs du XXe siècle, Hitler et Mussolini : Chaplin dans le Dictateur et, plus près de nous, Marco Bellochio dans Vincere. Nous ne sommes pas remontés si loin. Il y avait déjà beaucoup à dire et, surtout, à voir, dans cette période qui va, en France, « du grand Charles à Nicolas le petit », en tournant notre regard aussi vers l’étranger, sur Kennedy, Obama, Poutine ou Berlusconi.

C’est une banalité de dire qu’aujourd’hui la société du spectacle a tranformé la scène politique en un théâtre d’apparences et d’illusions. Il n’en reste pas moins que les représentations véhiculent, plus ou moins insidieusement, des idées.
D’où la nécessité de les décrypter. Ce que, dès 1957, Roland Barthes exprimait avec maestria : « Il est manifeste que ce que la plupart de nos candidats donnent à lire dans leur effigie, c’est une assiette sociale, le confort spectaculaire de normes familiales, juridiques, religieuses, la propriété infuse de ces biens bourgeois que sont par exemple la messe du dimanche, la xénophobie, le bifteck-frites et le comique du cocuage, bref, ce qu’on appelle une idéologie. »

Publié dans le dossier
Le corps en politique
Temps de lecture : 3 minutes
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