Mélenchon accueille Tsipras

À Paris, le chef du parti grec Syriza a appelé à résister contre la « destruction » de l’Europe.

Pauline Graulle  • 24 mai 2012 abonné·es

«Sexy Alexis », comme le surnomment les Indignés de la place Syntagma, sera-t-il le prochain Premier ministre grec ? À 37 ans, Alexis Tsipras, beau brun très aimé de la jeunesse, est le nouveau phénomène politique en Europe. Pour la première fois au pays d’Aristote, un sondage du quotidien libéral Kathimerini estime que Syriza, le parti de la gauche ­radicale, ­pourrait ­l’emporter avec 28 % des voix aux prochaines législatives organisées le 17 juin, loin devant la principale force de droite, Nouvelle Démocratie (créditée de 24 % des intentions de vote dans ce même sondage).

L’ancien ingénieur encarté au Parti communiste avait déjà réussi, le 6 mai dernier, à faire élire davantage d’élus au Parlement grec (Syriza avait obtenu près de 17 % des suffrages) que le Pasok, faisant ainsi de son parti la première force de gauche et la ­deuxième force politique du pays. Un peu comme si, en France, le Front de gauche était arrivé au premier tour, devant le Parti socialiste, à la dernière présidentielle…

La conférence de presse organisée lundi, à l’Assemblée ­nationale, en présence de Jean-Luc Mélenchon et d’Alexis Tsipras, constituait donc un événement à forte portée symbolique. Dans une salle du palais Bourbon pleine à craquer de photographes et de caméras, Pierre Laurent, président de la gauche européenne – Alexis Tsipras en est le vice-président –, s’est félicité, en préambule, des résultats des élections française et grecque, adjurant les gouvernements en place d’entendre « la voix des Européens qui demandent une réorientation sérieuse de la politique européenne ».

Sans quoi, c’est un nouveau désastre systémique qui s’annonce en Europe, a martelé Jean-Luc Mélenchon : « 60 % des titres de la dette grecque sont dans des caisses publiques, et le reste est dans cinq banques, dont trois françaises. » Manière de rappeler qu’une chaîne des solidarités doit remplacer « la chaîne de résignation et de servitudes qui liait les peuples au traité de Lisbonne [et qui] est en train de rompre ». « En regardant [Alexis], nous nous regardons nous-mêmes », a ajouté Jean-Luc Mélenchon, louant « cet homme [qui] ne vient pas ici chercher des voix, mais chercher de l’écoute ».

Un homme encore mal connu en France, mais déjà mitraillé par les flashs et les questions. Estimant que « ce qui se passe en Grèce depuis deux ans » n’est autre « qu’un suicide organisé du peuple grec », Alexis Tsipras a averti : « En Grèce, ce n’est pas simplement un programme d’austérité qui est à l’œuvre, mais l’expérimentation d’une solution néolibérale qui pourra être exportée dans tous les pays européens ».

Son programme pour lutter contre cet « ennemi sans visage » de la finance et des banques ? « Envoyer aux oubliettes de l’histoire le mémorandum » qui mènera demain à « la désintégration de l’euro et de l’Union européenne en tant que telle », a déclaré sans ciller le leader de Syriza. Mais aussi « parachever un grand renversement en Grèce, qui va lancer un message d’espoir dans toute l’Europe ». On n’est pas loin de la révolution citoyenne de Jean-Luc Mélenchon… Un « camarade » qu’Alexis Tsipras connaît « depuis des années » dans le cadre de la gauche européenne.

Lundi dernier à Paris, mardi à Berlin, le 12 mai à Rome… La volonté d’Alexis Tsipras et de ses homologues européens de mettre en mouvement les gauches de gauche en Europe est patente. Syriza en Grèce, le Front de gauche en France, Die Linke en Allemagne… Autant de formations qui reposent sur au moins trois piliers communs, a rappelé Pierre Laurent : le refus des politiques d’austérité « injustes et qui conduisent l’Europe dans l’impasse », la conduite de politiques permettant aux pays de « s’émanciper de la tutelle des marchés » (via notamment le financement des États directement par la Banque centrale européenne), enfin, le retour aux principes démocratiques selon lesquels « les peuples doivent être consultés sur les traités et les pactes qui les engagent ». Le sauvetage de l’Europe ne se fera pas avant d’avoir mis un point final à la tragédie grecque.

Politique
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