Ça chauffe à gauche

Les sénateurs communistes et alliés ont bloqué la loi sur la tarification progressive, qui ne remet pas en cause la libéralisation du secteur.

Lena Bjurström  • 8 novembre 2012 abonné·es

Les sénateurs communistes, républicains et citoyens (CRC) ont déposé la semaine dernière une motion d’irrecevabilité à la proposition de loi dite « de tarification progressive de l’énergie », entravant ainsi son adoption. L’initiative du groupe CRC, premier blocage au Sénat depuis la formation du gouvernement Ayrault, ravive les désaccords de la gauche au sujet de la politique énergétique. Au cœur de la polémique, la mise en place d’un système de « bonus-malus » reposant sur un forfait de base personnalisé selon quatre critères (nombre de personnes au sein du foyer, âge, zone climatique et mode de chauffage). Il s’agit d’une modulation des prix de l’énergie selon l’importance de la consommation des foyers. La facture des économes se verrait allégée, celle des « surconsommateurs » alourdie. Pour Franck Dimitropoulos, animateur du Réseau des acteurs de la pauvreté et de la précarité énergétique dans le logement (Rappel), cette loi pose quelques principes fondamentaux, comme l’inscription de la précarité énergétique dans les priorités du gouvernement. Selon le dernier baromètre annuel Énergie-Info, créé en 2007 par le Médiateur de l’énergie et la Commission de régulation nationale de l’énergie (CRE), 42 % des foyers ont réduit leur consommation l’hiver dernier afin de faire diminuer leur facture de chauffage. Et une étude de l’Insee de 2011 évalue à 3,8 millions le nombre de ménages en situation de précarité énergétique. Ce contexte et l’approche de l’hiver font plus que jamais de l’énergie un sujet de préoccupation politique.

Pour les promoteurs de la loi, il s’agit d’amorcer une transition énergétique qui sera au cœur du débat dans les prochains mois. « Moins polluer, mieux consommer, les objectifs sont aussi de mieux investir, de réduire les prix liés aux besoins essentiels et de responsabiliser tous les acteurs », explique le député PS de l’Isère François Brottes, interrogé par le Médiateur de l’énergie. Mais, pour les sénateurs CRC, cette loi anéantit la péréquation tarifaire, soit l’égalité des prix pour tous et sur l’ensemble du territoire. Un « pilier du service public de l’énergie » qui ne peut être remis en question, selon la sénatrice CRC de l’Allier Mireille Schurch. « Il est impossible de faire reposer le système sur les situations spécifiques des usagers, qui sont multiples, explique-t-elle. Entre les handicapés, les personnes âgées, les locataires et propriétaires n’ayant pas les moyens d’engager de grands travaux d’isolement, il y aura forcément des injustices. » Elle critique également une loi qui ne remet pas en question la libéralisation du secteur de l’énergie et fait de ce « bien indispensable » un « marché ».

Accusés par le député Bruno Le Roux (PS) de voter trop souvent « contre la gauche », la droite et le centre ayant soutenu la motion d’irrecevabilité, les sénateurs CRC répliquent qu’ils dénoncent surtout un dysfonctionnement de la majorité. « Nous voulons que la gauche réussisse, poursuit Mireille Schurch. Nous demandons simplement une discussion en amont. Il faut pouvoir voter certains articles urgents, comme l’élargissement des tarifs sociaux et l’interdiction des coupures, et organiser pour les autres une grande concertation. » Un débat « théorique » pour Franck Dimitropoulos, pour qui cette loi est surtout symbolique. « Pour le moment, nul ne sait si le système qu’elle propose est envisageable. Le débat se fait donc dans le vide. » En attendant, la polémique renvoie sur la scène publique les divergences de vues de la gauche sur la question énergétique. Lena Bjurström

Écologie
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