Inde : L’esprit contre le profit

Les intérêts de la tribu des Dongria Kondh sont supérieurs à ceux du géant minier Vedanta, a statué la Cour suprême.

Patrick Piro  • 2 mai 2013 abonné·es

La justice indienne a établi, le 18   avril dernier, que Vedanta, la plus importante compagnie minière du pays, ne pourrait extraire de la bauxite dans les monts Niyamgiri, dans l’État indien d’Odisha, qu’avec l’autorisation pleine et entière de la tribu des Dongria Kondh, qui vivent sur ce territoire dominé par le sommet Niyam Raja, révéré par eux comme une divinité. La Cour suprême se prononçait sur l’appel interjeté par la firme, qui contestait la mesure prise par le gouvernement fédéral en   2010 de bloquer ce projet violant plusieurs règles environnementales. Une victoire inattendue, largement saluée à l’époque par les militants en Inde et dans le monde, où le combat des Dongria Kondh avait été comparé à celui de la tribu des Na’vi dans le film Avatar  [^2].

Cependant, les magistrats ne confirment pas stricto sensu le coup d’arrêt de   2010. Exposant une argumentation qui déborde du périmètre juridique classique, ils reconnaissent que le droit de la tribu à vénérer la montagne Niyam Raja doit être « protégé et préservé ». En conséquence, la Cour ordonne aux autorités locales l’organisation d’une nouvelle consultation des populations locales, qui devra prendre en considération les arguments culturels et spirituels des tribus autochtones, jusque-là méprisés par les tenants du projet. En particulier, les Dongria Kondh sont invités à s’exprimer sur l’impact qu’aurait sur le Niyam Raja l’extraction par Vedanta de plusieurs dizaines de millions de tonnes de bauxite. Et la justice demande au gouvernement fédéral de réexaminer le gel du projet à la lumière du résultat de ce processus. Ce qui est interprétable par Vedanta, ainsi que par la compagnie minière de l’État d’Odisha, son partenaire, comme une ouverture. Cependant, il n’est pas certain que la cause des opposants en soit fragilisée. En effet, étayer l’abandon de l’extraction par de seuls arguments environnementaux peut s’avérer insuffisant à terme : l’entreprise est experte dans l’art de proposer des compensations léonines pour les populations. Alors que la prérogative octroyée aux Dongria Kondh de faire valoir un veto d’ordre culturel et spirituel serait a priori non négociable. Tout va se jouer dans les trois mois à venir, délai fixé pour la tenue de la consultation. Pour la prémunir de toute pression extérieure, la Cour a imposé la présence, lors de toutes les réunions, d’un juge spécialement détaché.

[^2]: Voir Politis du 2 septembre 2010.

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