La Syrie, hors jeu des journaux télévisés

Malgré une actualité brûlante, la guerre reste oubliée des grandes chaînes.

Jean-Claude Renard  • 6 février 2014 abonné·es

Ce sont d’abord des vues aériennes d’Hama, plongeant sur le quartier Masha’al-Arb’een de l’ancienne forteresse, en septembre 2012, avec ses maisons parfaitement alignées et ses rues bien définies. En octobre 2013, la même prise aérienne livre un paysage anéanti, un amas de pierres indistinct.

Ailleurs, près de Daraya, la même confrontation entre février et juillet 2013 montre des immeubles résidentiels et des bâtiments commerciaux désormais détruits, un vaste mikado de façades effondrées où plus rien ne tient debout. À Alep, c’est le souk, avec ses boutiques joliment achalandées, ses étals, sa déclinaison de marchandises, ses bacs à épices, ses parfums qui semblent sortir de l’image, ses lumières ambrées chaleureuses, un souk historique réduit quelques mois plus tard en un immense éboulis. Toujours à Alep, un hôpital propre et moderne, qui n’attend pas mieux que d’exercer son service public, devenu un bâtiment aux murs écroulés, écrasé, crevé par les obus, à l’instar de la Grande Mosquée, abandonnée, brisée, déchiquetée par les tirs de roquette, comme la mosquée de Deraa, point de départ des révoltes, anéantie, comme cette rue de Homs bordée d’arbres et d’élégantes bâtisses, dont il ne reste aujourd’hui plus rien, sinon la désolation, les meurtrissures des combats. D’un plan à l’autre, pas une figure humaine, pas même une silhouette, mais des cimetières urbains déserts et désertés. Ce sont autant d’images, pour beaucoup prises par satellite, publiées par le quotidien britannique The Guardi an (et sur son site) le 29 janvier, comparant des lieux en Syrie à quelques mois d’intervalle : avant la guerre et aujourd’hui. Des images saisissantes, imparables, qui disent la destruction, le chaos, quand la Syrie disparaît dans une indifférence quasi générale.

Sinon au journal d’Arte, ou sur le « 64 minutes » de TV5 Monde, les JT des chaînes traditionnelles font peu cas de la guerre en Syrie. L’actualité des journaux télévisés se contente de brèves ou d’annoncer le nombre de victimes, estimé à 130 000 à ce jour. Faute d’images, dira-t-on. The Guardian a démontré le contraire. À titre d’exemple, les 28, 29, 30 et 31 janvier, pas un mot sur la Syrie sur TF1, et une seule minute et 30 secondes sur France 2 pour n’évoquer que le sauvetage spectaculaire d’une enfant extirpée des décombres – mais, dans la rubrique internationale, des reportages sur les difficultés financières de la reine d’Angleterre et les Jeux de Sotchi. Tandis que s’est pourtant ouverte la conférence de paix à Genève.

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