Cuba si, Palestine no !

Si Barack Obama a accompli un geste symbolique en renouant des relations avec Cuba, sa position sur un futur État palestinien est bien moins téméraire. Le point de vue de Denis Sieffert.

Denis Sieffert  • 19 décembre 2014
Partager :
Cuba si, Palestine no !
© Photo : Le président américain Barack Obama, le 17 décembre. (DOUG MILLS / POOL / AFP)

En renouant des relations diplomatiques avec Cuba, Barack Obama accomplit un geste symbolique qui doit être salué. Après un demi siècle d’un blocus qui a surtout puni la population, il était temps qu’un Président américain mette un terme à un scandale devenu anachronique par rapport au monde d’aujourd’hui. Espérons qu’on n’en restera pas au symbole.

La colère des Républicains, désormais majoritaires au Congrès, fait hélas redouter que la levée du blocus ne soit pas pour demain. La réaction de Marco Rubio, sénateur de Floride, et chef de file des Républicains, vient nous rappeler qu’une partie de la population étatsunienne vie toujours à l’heure de l’anticommunisme et de la guerre froide. Le tout agrémenté de professions de foi démocratiques quand les mêmes soutiennent le régime saoudien. Pour ne citer que cet exemple. Enfin, et à supposer que l’on aille finalement vers la fin du blocus, il faudra encore voir de quelle nature seraient les nouvelles relations entre Cuba et le grand voisin du nord. La tentation sera forte d’en revenir à l’époque qui a précédé la révolution de 1959. On définissait alors Cuba comme «le bordel de l’Amérique».

Mais les contradictions sont aussi du côté de l’administration démocrate. Le jour même où le Président américain tendait la main à Raul Castro, son secrétaire d’Etat, John Kerry, faisait savoir que les États-Unis opposeraient leur veto à la résolution palestinienne soumise au Conseil de sécurité de l’Onu si celle-ci faisait référence à une date de création d’un État palestinien. Or, c’est évidemment le cas.

Le texte parle d’un délai de douze mois après l’adoption de la résolution pour la création d’un État palestinien viable, avec Jérusalem comme «capitale partagée» . Et d’un «retrait complet et par étapes des forces de sécurité israéliennes […] dans un laps de temps raisonnable, qui ne devra pas dépasser la fin de l’année 2017» . Sans ces dates butoirs, les Palestiniens savent que la stratégie israélienne de négociations sans fin pourra se poursuivre. Et la colonisation achever de rendre impossible toute création d’un État.

Devant le blocage américain, l’Autorité palestinienne a déjà fait savoir qu’elle était prête à modifier son texte initial. Jusqu’où et jusqu’à quand ? S’il s’agit de gommer toute référence à un calendrier, rien ne changera véritablement.

Si on confronte les deux dossiers, on voit que Barack Obama veut bien affronter le lobby ultraréactionnaire des Cubains de Floride, mais pas le lobby juif américain. Il veut bien avancer dans le règlement d’un conflit du passé, mais pas dans celui d’un conflit bien actuel, trop actuel, et qui continue de nourrir un terrible contentieux entre les Occidentaux et le monde arabe. Il est vrai que les Cubains de Floride sont plus souvent électeurs républicains, alors que les Juifs sont généralement proches du parti démocrate. Obama est courageux, mais pas téméraire.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »
Entretien 1 décembre 2025 abonné·es

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »

Alors que l’AfD vient de refonder son organisation de jeunesse à Gießen, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont bloqué la ville pour tenter d’empêcher la tenue du rassemblement. Pour la germaniste et historienne Valérie Dubslaff, cette séquence s’inscrit dans la continuité des grandes mobilisations de 2024.
Par Maxime Sirvins
En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite
Reportage 1 décembre 2025

En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite

Près de 50 000 personnes venue de tout le pays se sont rassemblées ce week-end à Gießen pour empêcher le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) de reformer sa faction jeune, auto-dissoute huit mois plus tôt.
Par Camille Tribout
À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations
Monde 28 novembre 2025 abonné·es

À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations

Un an après la crue meurtrière d’octobre 2024, les habitants de Paiporta sont amers de la gestion de la tragédie par les autorités qui a dévasté la ville. Le parti d’extrême droite Vox a su tirer parti de ce désarroi.
Par Pablo Castaño
En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal
Reportage 26 novembre 2025

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal

Près de 80 % des activités liées à l’extraction illicite de l’or en Guyane se concentrent sur le Haut-Maroni. Depuis la rive surinamienne, les garimpeiros – orpailleurs clandestins – ont édifié un système bien huilé pour exploiter le sol français.
Par Tristan Dereuddre