Le climat, de conclave en conclave

L’encyclique du pape pourrait renforcer les mobilisations.

Geneviève Azam  • 24 juin 2015 abonné·es

Commençons par les bonnes nouvelles. Le G7, réuni en conclave en Allemagne début juin, devait délivrer un message fort en vue de la conférence sur le climat de Paris. C’est fait ! Il s’engage à maintenir le réchauffement en dessous de 2 °C, à diminuer les émissions de 40 % à 70 % d’ici à 2050 et à décarboniser l’économie à l’horizon 2100. Bref, la Terre est ronde et elle tourne. Mais elle tourne à l’envers ! L’objectif de limiter à 2 °C le réchauffement climatique figurait déjà dans la déclaration de Copenhague en 2009, et le G8 de L’Aquila, la même année, en accord avec le Giec, s’était engagé à diminuer les émissions de 80 %. Les rapports sur la réduction nécessaire et rapide des énergies fossiles, dont ceux de l’Agence internationale de l’énergie, s’accumulent : l’avenir du climat et donc de l’humanité se joue dans les deux ou trois décennies à venir et nous sommes actuellement sur la courbe des + 4 °C à + 6 °C, voire davantage si rien n’est fait. Il faudrait donc l’intervention du Saint-Esprit, pour contenir le réchauffement à + 2 °C en continuant à exploiter les énergies fossiles jusqu’en 2100, c’est-à-dire jusqu’à la dernière veine et à la dernière goutte !

Mauvaise nouvelle : le Saint-Esprit se dérobe. Le pape François publie une encyclique sur l’environnement. Il y souligne la nature anthropique du changement climatique, ce qui lui vaut déjà la colère des chrétiens climato-sceptiques aux États-Unis. Il s’exprime sur les énergies fossiles : « Nous savons que la technologie reposant sur les combustibles fossiles très polluants – surtout le charbon, mais aussi le pétrole et, dans une moindre mesure, le gaz – a besoin d’être remplacée, progressivement et sans retard ». Voilà qui est dit et qui devrait renforcer la campagne de désinvestissement dans les énergies fossiles. Quant à l’échec des négociations internationales, il écrit : « La soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des sommets mondiaux sur l’environnement. Il y a trop d’intérêts particuliers, et très facilement l’intérêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun et à manipuler l’information pour ne pas voir affectés ses projets. » La COP 21 à Paris ne devrait pas être épargnée, étant donné la liste de ses mécènes : EDF, Engie, Suez, Air France, Renault Nissan, BNP Paribas et bien d’autres pollueurs notoires !

Enfin, alors que l’extension des marchés du carbone, pourtant en échec, est la source majeure des financements envisagés pour lutter contre le changement climatique, l’encyclique les réfute : « La stratégie d’achat et de vente de “crédits de carbone” peut donner lieu à une nouvelle forme de spéculation, et cela ne servirait pas à réduire l’émission globale des gaz polluants. » Même les plus « vaticano-sceptiques » peuvent se réjouir de telles positions. Elles ne changeront pas la donne sur le fond des négociations actuelles, mais elles peuvent renforcer les mobilisations des citoyens engagés dans la lutte contre le changement climatique. D’autant que ce texte, à partir de la dette écologique et des rapports Nord-Sud, lie changement climatique et lutte contre la pauvreté.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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