« Illégitime », d’Adrian Sitaru : Famille élargie

Dans Illégitime, le cinéaste roumain Adrian Sitaru raconte une histoire d’amour entre un frère et une sœur sans point de vue moralisateur.

Christophe Kantcheff  • 8 juin 2016 abonné·es
« Illégitime », d’Adrian Sitaru : Famille élargie
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Le cinéma roumain continue sur sa lancée. Les films de Cristian Mungiu (Baccalauréat) et de Cristi Puiu (Sieranevada) étaient en compétition à Cannes, tandis que sort aujourd’hui Illégitime, le quatrième long métrage d’Adrian Sitaru, présenté au dernier Festival de Berlin. Là encore, on pénètre dans une famille qui, comme chez Puiu, se rassemble pour se déchirer.

Au cours d’un dîner, sont réunis le père veuf (Adrian Titieni, le même acteur qui tient le premier rôle dans Baccalauréat), son fils aîné (Bogdan Albulescu), médecin comme lui, la plus grande de ses filles (Cristina Olteanu) et ses jumeaux, Sasha (Alina Grigore) et Roméo (Robi Urs).

La conversation aborde soudain l’attitude du père vis-à-vis de l’avortement sous l’ère Ceausescu. Les enfants, qui ont appris qu’en tant que médecin il s’y opposait avec force, lui reprochent de ne pas leur en avoir parlé et désapprouvent cette position. Le ton monte, le père lâche que sa femme aurait voulu avorter des jumeaux et des coups sont échangés. Le père quitte la maison avec fracas.

C’est la scène originelle sur laquelle va s’enraciner le cœur de l’intrigue d’Illégitime : Sasha et Roméo ne sont pas seulement frère et sœur jumeaux, ils sont aussi amants. Ils s’aiment clandestinement d’un amour que la société nomme inceste. Roméo ne veut pas entendre parler de ce terme, qui lui semble impropre par rapport à ce qu’ils vivent. Alors que sa sœur est plus consciente des dangers qui pèsent sur eux… et sur leur futur bébé. Car elle est enceinte. Et voici la question de l’avortement de nouveau posée au sein de la famille, mais tout autrement.

Illégitime est un titre parfait : lapidaire, il peut désigner l’enfant à naître, l’amour du frère et de la sœur, ou encore les convictions anti-avortement du père, qui, face à cette nouvelle situation, vont être malmenées. La réussite du film, c’est d’inscrire dans une mise en scène très réaliste (la caméra est constamment portée à l’épaule, jusqu’à l’excès) des enjeux moraux où le bien et le mal ne sont pas prédéterminés (Baccalauréat, de Mungiu, est aussi traversé par ces conflits éthiques). Les déchirures familiales y sont même résolues au prix d’une solution subversive. Grâce à celle-ci, le film s’achève autour de la même tablée qu’au début, mais cette fois dans la plus parfaite harmonie. Illégitime est un film vraiment gonflé.

Cinéma
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