Perturbateurs endocriniens : le prix de l’inaction

Pesticides, emballages alimentaires, produits d’hygiène, cosmétiques : ces substances interférant avec le système hormonal coûteraient 4 milliards par an au système de santé français.

Sabina Issehnane  • 1 novembre 2017 abonné·es
Perturbateurs endocriniens : le prix de l’inaction
© photo : VOISIN / Phanie

Quand l’industrie chimique décide de faire de la pédagogie sur les perturbateurs endocriniens, on croit rêver et pourtant… Elle vient de lancer un site Internet : « Les perturbateurs endocriniens : parlons-en ! ». Ces derniers sont définis par l’OMS comme « des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ». Ces substances se trouvent dans les pesticides, donc dans notre alimentation, mais aussi dans les emballages alimentaires ou dans les produits d’hygiène ou les cosmétiques. En interférant avec le système hormonal, ils peuvent entraîner de nombreuses pathologies : cancers hormono-dépendants (sein, utérus, testicule, prostate), infertilité, obésité, diabète, endométriose, autisme, troubles de l’attention, etc. Selon une étude publiée en 2015 [1], leur coût économique pour l’Union européenne est évalué à 157 milliards d’euros par an. Selon le Health and Environment Alliance, en ne prenant en compte que 5 % des pathologies hormono-dépendantes, les conséquences de l’exposition à ces perturbateurs coûteraient 4 milliards d’euros par an au système de santé français.

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En juillet dernier, la Commission européenne a adopté une définition des perturbateurs bien peu contraignante, censée servir de base à l’interdiction de certaines substances. Le 4 octobre, cette définition a été rejetée par le Parlement européen, dont le vote a été salué par les ONG. Une nouvelle mouture devra être proposée par la Commission. Le 25 octobre, celle-ci a reporté le vote sur la durée de prolongation de l’autorisation d’exploitation du glyphosate, les pays membres de l’Union européenne n’ayant pas trouvé d’accord. Cet herbicide, le plus utilisé au monde, est un produit cancérogène, dont les premières victimes sont les agriculteurs eux-mêmes et leurs enfants. Dans le même temps, le gouvernement, qui se prévalait de défendre une limitation de l’autorisation du glyphosate pour une durée plus courte que la Commission, a supprimé courant septembre les aides au maintien de l’agriculture biologique.

Même s’il est difficile d’évaluer un lien de causalité sur la santé du fait de la pluralité des facteurs environnementaux, de l’effet cocktail, de l’exposition sur le long terme, force est de constater que les maladies hormono-dépendantes sévissent de plus en plus. Faudra-t-il un scandale sanitaire majeur pour que ces produits soient enfin interdits ? Ou, pire, s’accommoder progressivement de ces catastrophes environnementales et basculer à terme vers une société totalitaire, comme décrite dans la série Handmaid’s Tale – « La Servante écarlate » – tirée du roman de Margareth Atwood, écrit il y a trente ans et pourtant d’une incroyable actualité ?

[1] « Neurobehavioral Deficits, Diseases, and Associated Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union », The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, Vol. 100, Issue 4, avril 2015.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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