Sur France 2, Mélenchon fait preuve de courage politique

Lors de son « Émission Politique », le leader de la France insoumise, questionné sur la « laïcité », a clairement pris position contre le discours douteux de Philippe Val, ancien patron de Charlie Hebdo.

Pauline Graulle  • 1 décembre 2017 abonné·es
Sur France 2, Mélenchon fait preuve de courage politique
© photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

C’était attendu. Évidemment, Jean-Luc Mélenchon allait bien devoir en passer par là. Éclaircir ses positions sur « la laïcité » – entendez, l’islam. Après un mois de polémiques nauséabondes lancées par Charlie Hebdo suite à « l’affaire Ramadan », l’équipe de « L’Émission politique » n’avait rien trouvé de mieux que de lui opposer, hier soir, un ancien patron de… Charlie Hebdo. Histoire d’obliger le leader de la France insoumise à prendre position sur un débat potentiellement explosif pour l’unité de son mouvement et qu’il avait jusque-là pris soin de ne surtout pas ouvrir (lire ici).

Sur le plateau de Léa Salamé, voilà donc Jean-Luc Mélenchon contraint et forcé de s’engager sur ce terrain glissant. La tâche n’est pas commode face à un Philippe Val venu dialoguer « en mémoire de nos amis assassinés » – une vache sacrée, donc. Il commence par un terrible lapsus sur Danièle Obono (« une militante antiraciste et antisémite – euh… »). S’excuse platement. Puis défend, clairement, et tout du long, sa camarade de l’Assemblée nationale, laquelle est accusée d’avoir jugé « islamophobes » certaines caricatures de Charlie et, plus récemment, de trouver utiles des réunions « non mixtes ». Danièle Obono, dit-il, « aborde [la question] par la solidarité des opprimés. Je ne suis pas procureur, c’est une amie, je la respecte, elle sait sur quoi nous sommes d’accord et sur quoi nous ne sommes pas d’accord ».

« Ça va Val ! »

Lui, « l’homme qu’on traitait de laïcard, de bouffeur de curé », n’en revient pas de cette « situation cocasse » de passer pour l’islamogauchiste de la soirée. Il faut dire que face à Philippe Val… Jean-Luc Mélenchon répète :

La laïcité, c’est la séparation de l’Église et de l’État, c’est pas la guerre contre telle ou telle religion.

Rien de bien nouveau en vérité. Mais, en cette période d’affrontement entre les pro-Charlie et les pro-Mediapart, la phrase résonne clairement. Et fortement.

« Les musulmans font l’objet d’un ‘‘montré du doigt’’ permanent dont l’origine est le FN », lance ensuite l’insoumis, en référence à Manuel Valls. « Valls n’est pas d’extrême droite », rétorque, un peu gêné quand même, Philippe Val. Lequel ajoute : « Les actes terroristes ont baissé, les actes antimusulmans ont baissé, je vous l’accorde [sic]. Un Français juif a 20 fois plus de chances de se faire agresser. Pourquoi vous ne défendez jamais les juifs dans vos meetings ? » Mélenchon : « Dans tous mes meetings, je ne parle jamais des communautarismes, je défends l’universalité de la condition humaine. Je ne flatte pas de clientèle. »

Comme à son habitude, Philippe Val manie l’amalgame sans pudeur de gazelle : « Le chanoine de Latran (lui) n’a tué personne. » « Dans votre mouvement, vous êtes l’arbre républicain qui cache la forêt communautariste. » « L’islamisme se réclame de l’islam et peut-être qu’un jour, il faudra le dire. » Visiblement, Jean-Luc Mélenchon n’en peut plus. Lance un « ça va, Val ! » salutaire.

Quelques dizaines de minutes plus tôt, le député des Bouches-du-Rhône s’est prononcé pour la régularisation des travailleurs sans papiers, 400 000 selon un chiffre avancé par Adrien Quatennens : « Je suis pour qu’on traite humainement les gens. [D’autant plus quand ils sont] réfugiés de nos guerres, de notre économie, de notre perturbation climatique. » Contraste subtile, mais marquant, avec la campagne présidentielle, lorsqu’il s’en prenait « au travailleur détaché qui vole son pain aux travailleurs qui sont sur place ». Ce soir, sur France 2, il s’est passé quelque chose : Jean-Luc Mélenchon est redevenu banalement de gauche.

Pour aller plus loin…

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »
Entretien 17 avril 2024 abonné·es

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »

Peter Mertens, député et secrétaire général du Parti du travail de Belgique, publie Mutinerie. Il appelle à multiplier les mobilisations contre l’Europe néolibérale et austéritaire sur tout le Vieux Continent.
Par Olivier Doubre
« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 
Politique 12 avril 2024 abonné·es

« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 

À la peine dans les sondages pour les élections européennes, avec une campagne qui patine, le parti écologiste se déchire sur fond d’affaire Julien Bayou. La secrétaire nationale, Marine Tondelier, tente d’éteindre le démon de la division.
Par Nils Wilcke
« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »
Entretien 11 avril 2024 abonné·es

« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »

À deux mois des élections européennes, l’ONG internationale Avaaz part en campagne contre le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen dont les sulfureux liens internationaux sont inquiétants.
Par Michel Soudais
« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »
Entretien 10 avril 2024 libéré

« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »

Le professeur de science politique Philippe Marlière est coauteur d’un court ouvrage étrillant la classe politique française et interpellant six personnalités (dont Hollande, Macron, Mélenchon). Pour lui, la gauche doit se repenser si elle souhaite devenir majoritaire.
Par Lucas Sarafian