Le 12 juin, soleil partout, police nulle part

Tout l’après-midi, les forces de l’ordre se sont tenues à bonne distance du cortège contre l’extrême droite.

Olivier Doubre  • 16 juin 2021
Partager :
Le 12 juin, soleil partout, police nulle part
© Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

C ela faisait longtemps ! » Par cette belle journée ensoleillée, beaucoup de citoyen·nes, en joie, souvent en musique, ont défilé le 12 juin dans quelque 150 villes de France, entre slogans antifascistes et drapeaux de multiples organisations. La remarque sus-citée est de Danièle Obono, ceinte de son écharpe tricolore de députée (insoumise) des quartiers populaires du nord de Paris, qui, croisée en fin de parcours, a ajouté : « On avait presque oublié, après tout ce temps, qu’on pouvait manifester, normalement, en famille et dans le calme : quand les CRS ne sont pas là, au contact, sans “nasser” les gens, tout se passe bien. Sans provocation ni violence… Une évidence démocratique, en somme ! »

Car il est vrai que durant tout l’après-midi, les forces de l’ordre se sont tenues à bonne distance du cortège, des canons à eau jusqu’aux unités de voltigeurs motorisés remises en service récemment sous le nom de BRAV (« Brigades de répression de l’action violente »), qui avaient plutôt jusqu’ici l’habitude de foncer au plus près des défilés, de façon intimidante sinon provocatrice…

Comment expliquer cette ambiance apaisée, tout comme dans la plupart des villes françaises – en dehors de quelques rares incidents à Nantes, où, semble-t-il, le préfet n’avait, lui, pas changé de stratégie de « maintien » de l’ordre ? Sans doute, son collègue parisien Lallement et son supérieur Darmanin avaient-ils pris la mesure de l’enjeu politique de faire charger une manifestation « contre les idées d’extrême droite » ? Peut-être, surtout, que le vent du boulet (judiciaire) avait sifflé jusqu’à leurs frêles (sinon quasi sourdes) oreilles, du fait de l’arrêt du Conseil d’État qui avait, la veille, censuré une bonne part du récent « nouveau schéma de maintien de l’ordre », fierté du ministre de droite ?

La plus haute juridiction administrative a en effet censuré, jeudi 10 juin, sur plusieurs points fondamentaux, ce texte (inique) de la place Beauvau principalement pour… « excès de pouvoir » ! Considérant, en particulier, « illégale » la technique dite de la « nasse » (encercler les manifestants) car « susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester, et d’en dissuader l’exercice ». Mais encore, « illégale » l’obligation qui voulait être imposée aux journalistes « d’obéir aux ordres de dispersion » ou, mieux, d’être « accrédités par les autorités » lors de manifestations, mesures « susceptibles de porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté de la presse ». En somme, une belle veste pour Darmanin ! Tout comme l’affluence, à travers toute la France, de tou·tes ces citoyen·nes pacifiques mobilisé·es contre les actuels relents nauséabonds du fascisme version 2021.

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Dans sa chute, Bayrou embrasse le RN
Parti pris 3 septembre 2025

Dans sa chute, Bayrou embrasse le RN

Austérité, xénophobie, renoncements écologiques et mise au pas de l’audiovisuel public : le programme économique et politique du Rassemblement national reprend les obsessions du « bloc central », en version aggravée. Ce que Bayrou a commencé, le RN promet de l’achever, avec brutalité.
Par Pierre Jacquemain
Procès de Bolsonaro : au-delà d’un test démocratique pour le Brésil
Monde 2 septembre 2025

Procès de Bolsonaro : au-delà d’un test démocratique pour le Brésil

L’ancien président d’extrême droite entre en jugement ce mardi 2 septembre, accusé de tentative de coup d’État en 2023. Un enjeu crucial pour les institutions du pays, alors que Trump pourrait alourdir les sanctions qu’il a prises contre le Brésil, accusé de mener une « chasse aux sorcières ».
Par Patrick Piro
Une couverture noire pour briser le silence
Parti pris 31 août 2025

Une couverture noire pour briser le silence

Face à l’hécatombe de journalistes à Gaza et au silence qui l’entoure, des dizaines de rédactions à travers le monde – de Mediapart à Al Jazeera en passant par The Independent et Politis – s’unissent pour alerter : le droit d’informer est attaqué. En publiant une couverture noire, Politis et les partenaires de l’initiative engagée par Reporters sans frontières (RSF) et Avaaz, rappellent que protéger la presse c’est défendre la vérité et la mémoire collective.
Par Pierre Jacquemain
Le crépuscule de Jupiter ou l’impasse présidentielle
Emmanuel Macron 29 août 2025

Le crépuscule de Jupiter ou l’impasse présidentielle

À bout de souffle, Emmanuel Macron se retrouve isolé, sans majorité et contesté à la fois dans la rue et sur la scène internationale. Entre menace de pleins pouvoirs et incapacité à ouvrir une issue politique, la présidence vacille, révélant l’impasse d’une Ve République en crise.
Par Pierre Jacquemain