Qui croire ?

Emmanuel Macron dément avoir dit que « les smicards préfèrent téléphones et abonnements VOD plutôt qu’une alimentation plus saine » lors d’un entretien avec des représentants du Modef. Faut-il croire ces derniers ou le chef d’État qui nous ment depuis 7 ans ?

Sébastien Fontenelle  • 27 février 2024
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Qui croire ?
Emmanuel Macron lors de l'ouverture du 60e Salon international de l'agriculture, parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, le 24 février 2024.
© Lewis Joly / POOL / AFP

Le 17 février, la revue La Terre publie sur son site un article relatant qu’une délégation d’agriculteurs du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) a été reçue deux jours plus tôt – le 15 février, donc – à l’Élysée pour un entretien avec Emmanuel Macron. Dans le cours de cet échange, rapporte La Terre, qui s’appuie sur un communiqué du Modef citant également ces propos, le chef de l’État français a fait à ses hôtes, lorsqu’ils ont évoqué les difficultés auxquelles se trouvent confrontés les agriculteurs bio, cette réponse dont le taux d’obscénité frôle d’assez près le maximum autorisé : « Les smicards préfèrent téléphones et abonnements VOD plutôt qu’une alimentation plus saine. »

Mais rien ne se passe : à l’exception de quelques internautes, personne ne relève le communiqué du syndicat agricole et l’article de La Terre – qui ne font l’objet d’aucun démenti. Tout change quelques jours plus tard, quand le quotidien La Marseillaise met à son tour à la une de son édition du week-end, le samedi 24 février, jour de l’inauguration du Salon de l’agriculture, la profération de Macron jugeant donc que « les smicards préfèrent des abonnements VOD à une alimentation plus saine », qui devient soudain très visible et qui déclenche évidemment un tollé.

Devrais-je plutôt accorder ma confiance au chef de l’État qui depuis sept ans nous ment ?

Aussitôt, l’Élysée, hurlant au « scandale », dément catégoriquement que Macron ait tenu les propos qui lui sont prêtés – mais dont le Modef et La Marseillaise maintiennent qu’il les a bel et bien tenus. Résultat : me voilà bien embêté. Car dans cette affaire, difficile dilemme : qui vais-je croire ? Vais-je me fier aux témoignages des membres du Modef qui ont participé à la rencontre élyséenne du 15 février, et qui sont unanimes à certifier que leur hôte a bien tenu, lors de cet entretien, les propos qui ont été rapportés d’abord – et sans être démentis – par La Terre puis par La Marseillaise ?

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Ou bien devrais-je plutôt accorder ma confiance au chef de l’État qui depuis sept ans nous ment ? Ne devrais-je pas plutôt croire ce chef de l’État – qui avait déjà déclaré, en 2014, quand il était ministre du « socialiste » Hollande, que les salariées d’un abattoir qui venait de fermer ses portes étaient « pour beaucoup illettrées » (puis qui, deux ans plus tard, en 2016, avait lancé à des grévistes que « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler », puis qui deux ans plus tard, en 2018, avait craché vers un jeune homme qui se désolait de ne pas trouver d’emploi qu’il lui suffisait de « traverse[r] la rue » pour « trouve[r], du travail ») – lorsqu’il affirme n’avoir pas tenu les propos immensément méprisants qui ont été entendus par tous ceux à qui il s’adressait ?

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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