Face à l’extrême droite, un bloc syndical et citoyen déterminé

Les organisations syndicales veulent poursuivre l’esprit unitaire de la bataille des retraites, conscientes, comme la société civile, que le combat ne fait que commencer jusqu’aux législatives.

Hugo Boursier  • 11 juin 2024
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Face à l’extrême droite, un bloc syndical et citoyen déterminé
Rassemblement place de la République, à Paris, le 11 juin 2024, le soir de l'annonce d'une union de la gauche pour les législatives de juin et juillet.
© Maxime Sirvins

En chimie, la dissolution engendre, dans la plupart des cas, la destruction brutale d’un élément. Mais en politique, la gauche et la société civile ont montré l’inverse : c’est au contraire un bloc uni qui s’est créé, moins de 24 heures après la décision inédite du chef d’État Emmanuel Macron au soir des élections européennes. Dans une symétrie suffisamment rare pour être soulignée, la soirée de lundi se clôturait à la fois par un accord entre les partis de gauche, rassemblés sous la bannière du Front populaire, et entre les syndicats, réunis au siège de la CGT, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

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Démarrées sous les coups de 18 heures, les discussions entre la CFDT, la CGT, la FSU, Solidaires, l’Unsa, FO, CFE-CGC et la CFTC se sont conclues près de cinq heures plus tard. Mais avec les trois dernières organisations en moins, dont deux qui représentent les cadres. Ce communiqué, signé donc par la CFDT, la CGT, FSU, Solidaires et l’Unsa, énumère dix propositions qui forment un socle commun. Le tout, pour répondre « à l’urgence sociale et environnementale et entendre les aspirations des travailleuses et des travailleurs ». On compte, parmi elles, l’augmentation des salaires ou encore l’abrogation de la réforme des retraites. Le texte se conclut par l’annonce d’une première mobilisation prévue ce week-end dans toute la France.

« Comme l’an dernier sur la bataille des retraites, l’intersyndicale montre que plusieurs sensibilités différentes sont capables de s’unir », explique Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. Même si, cette fois-ci, FO, la CFE-CGC et la CFTC n’appellent pas d’une même voix à organiser des manifestations. Et à se positionner de la même manière face au danger fasciste. « Les organisations ne sont pas toutes à l’aise avec la dénonciation de l’extrême droite. Outre des différences dans nos histoires respectives, dans chaque structure, des sympathisants peuvent voter Rassemblement national  », observe Murielle Guilbert, co-déléguée générale de Solidaires.

Les organisations ne sont pas toutes à l’aise avec la dénonciation de l’extrême droite.

M. Guilbert

La réunion a connu son moment de divertissement soudain lorsque, les téléphones vibrent et signalent que Raphaël Glucksmann appelle, au JT de France 2, Laurent Berger, l’ex-patron de la CFDT, à devenir Premier ministre après les élections. « Tout le monde s’est tourné vers Marylise Léon », l’actuelle secrétaire générale du syndicat, rigole l’un des participants. « Cela illustre aussi une tentative maladroite d’une instrumentalisation du syndicat par le politique », note Benoît Teste. Mais quid, à l’inverse, du soutien concret des organisations au tout frais Front populaire ?

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« Nous apportons ensemble un appui », indique-t-on à la CGT. « Des choses sont à réinventer sur le long terme. Pour l’instant, il faut faire vivre la question sociale jusqu’au 7 juillet », souligne-t-on à la FSU. De son côté, Solidaires étudie la question d’un principe d’indépendance à nuancer mercredi 12 juin dans une réunion avec ses organisations internes.

Sursaut général

Le tout pour permettre un sursaut général. C’est autour de ce mot – et de cette urgence – que se sont rassemblées 350 personnalités du monde politique, intellectuel, militant et artistique dans une tribune publiée par Le Monde. Un appel à s’unir pour « fédérer les classes populaires et les classes moyennes des bourgs et des banlieues, des villages et des métropoles » moyennant une candidature unique à gauche pour les législatives. Une condition qui fait désormais partie du pacte du Front populaire.

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Maintenant, il n’y plus qu’à. Et ce n’est pas une mince affaire. L’enjeu est aussi de garantir une place aux militants des quartiers populaires à la hauteur de leur investissement pour les élections européennes : à Roubaix et à Vaulx-en-Velin, l’abstention a baissé de six et huit points par rapport au scrutin de 2019. Les bureaux de vote en Seine-Saint-Denis sont quasi unanimement insoumis. Une mobilisation qui engage la gauche, et n’est pas sans inquiéter l’Assemblée des quartiers, une organisation créée en 2022 notamment après les déceptions suscitées après un accord de la Nupes qui avait exclu certaines figures locales.

Dans un communiqué publié lundi 9 juin, elle indique qu’elle soutiendra « en premier lieu des candidats issus des mouvements des quartiers et non désignés de façon bureaucratique lors des prochaines élections ». Une autonomie qui ne surprend pas Julien Talpin, chercheur en sciences politiques à l’Université de Lille : « Les dynamiques politiques de l’alliance vont inviter à une forme de pragmatisme dont seront victimes les militants historiques qui ont peu de relais dans les partis de gauche », analyse-t-il. Réponse dimanche soir, après le dépôt express des listes au Conseil constitutionnel.

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