Aux États-Unis, ceux qui veulent mettre Trump « out »

Face à la possibilité d’un deuxième mandat de l’ancien président et à la multiplication des politiques conservatrices, la résistance s’organise. De la part de célébrités comme de simples citoyens.

Edward Maille  • 24 juillet 2024 abonné·es
Aux États-Unis, ceux qui veulent mettre Trump « out »
Un manifestant anti-Trump devant la Cour suprême des États-Unis, le 1er juillet 2024.
© CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Un montage vidéo avec une voix off : « Donald Trump est un mensonge. » La séquence dénonce les fausses informations diffusées par l’ancien président des États-Unis et candidat républicain à sa réélection, le 5 novembre prochain. La chaîne YouTube qui la diffuse appartient à Don Winslow, auteur de romans policiers à succès. Depuis quatre ans, il produit et diffuse ces vidéos.

L’écrivain estime son engagement justifié s’il permet de convaincre des soutiens de Donald Trump ou de motiver ses opposants : « Prêcher un converti, cela a son utilité. Vous motivez votre propre base, ou ceux qui ne sont pas enthousiastes, quand vous dites : ‘Regardez, vous avez un choix difficile…’ Vous avez face à vous un homme, je vais être cash, qui est un traître. Un traître ! Pardon si je crie, mais il y a un homme qui a essayé de renverser le gouvernement des États-Unis », expliquait-il dans une interview début avril au magazine Rolling Stone.

Cette fois, Donald Trump se présente en menaçant d’être un dictateur, de mettre fin à la Constitution.

R. De Niro

Don Winslow fait partie des nombreux écrivains et artistes qui prennent la parole contre l’ancien président des États-Unis. Robert De Niro, lui, s’est engagé aux côtés de Joe Biden, avant qu’il ne renonce à sa candidature. Dans un spot de campagne télévisé, on entend la voix du célèbre acteur : « Nous savions que Trump était hors de contrôle quand il était président. Il a ensuite perdu l’élection de 2020 et a craqué. Il a essayé désespérément de s’accrocher au pouvoir. Maintenant, il se présente à nouveau. Cette fois, en menaçant d’être un dictateur, de mettre fin à la Constitution. »

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D’autres personnalités du cinéma prennent position. Donald Trump « exercerait le pouvoir de la présidence avec une cruauté et une injustice sans précédent et de manière démesurée », a écrit l’actrice et militante féministe Ashley Judd dans une tribune publiée en juillet dans USA Today, dans laquelle elle appelait Joe Biden à laisser sa place à un autre candidat démocrate qui aurait plus de chances de battre le milliardaire républicain. Depuis le 21  juillet, c’est désormais chose faite, après que Joe Biden a renoncé à se présenter.

Aux efforts des célébrités pour contrer un retour possible de Donald Trump, s’ajoutent ceux des membres du Parti démocrate qui vont frapper aux portes, distribuent des tracts et mobilisent des électeurs. 

Interdictions et pressions

Combat justifié : la nouvelle quête du pouvoir par l’ancien président s’est accompagnée d’une surenchère de politiques et de discours conservateurs. Ainsi, le gouverneur de Floride et ancien candidat à la primaire du Parti républicain, Ron DeSantis, a décidé de mener une « guerre contre le wokisme ».

Ces dernières années, il a permis l’entrée en vigueur de lois interdisant d’aborder les questions d’orientation sexuelle de la maternelle au collège, ou permettant d’ajouter au programme scolaire les « bienfaits » de l’esclavage (des organisations de défense des droits humains ont contesté en justice certaines de ces mesures). Ces lois s’appliquent seulement à la Floride, mais d’autres États conservateurs multiplient les attaques contre les minorités et les personnes LGBTQ+. 

Les évictions de livres continuent de viser les titres les plus vitaux pour les élèves.

Pen America

Une des conséquences de cette politique est l’interdiction de certains livres. Ces ouvrages peuvent être vendus dans les librairies, mais ils disparaissent des étagères des écoles ou d’autres institutions publiques. De juillet à décembre 2023, l’association Pen America, qui promeut la liberté d’expression, a recensé 4 349 cas d’interdiction aux États-Unis, contre 1 841 le semestre précédent. « Les évictions de livres continuent de viser les titres les plus vitaux pour les élèves : des ouvrages qui explorent les identités LGBTQ+ et l’identité de genre ; des livres sur la race et le racisme avec des personnages de couleur ; et d’autres sur les violences sexuelles. Or ces livres peuvent être une bouée de sauvetage pour certains enfants », écrit l’association dans un rapport publié en avril.

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La Floride est devenue l’épicentre de ces mises à l’index. Mais tous ses habitants ne les soutiennent pas. Jonathon habite à Jacksonville. Depuis plus d’un an, il récupère les ouvrages interdits auprès d’enseignants qui ne peuvent plus les utiliser. Il installe ensuite un stand sur des marchés alimentaires locaux pour les distribuer gratuitement. Les personnes qu’il croise sont « stupéfaites de ces interdictions » et « reconnaissantes » de cette démarche. L’engagement du quadragénaire ne s’arrête pas là. Il fait partie d’un groupe qui accompagne les femmes qui le souhaitent dans les cliniques qui pratiquent des IVG.

La démarche vise surtout un établissement de la ville où des militants anti-avortement se postent régulièrement à l’entrée pour dissuader les patientes de mettre fin à leur grossesse. « On leur apporte de la sécurité » et un soutien moral, explique-t-il. Jonathon poursuit ces opérations même si le droit à l’avortement a été considérablement réduit dans cet État du Sud. Depuis mai, l’IVG est interdite après six semaines de grossesse, sauf exceptions.

En 2022, la Cour suprême a renversé l’arrêt « Roe vs. Wade » sur le droit à l’avortement. Depuis, il revient à chaque État de légiférer sur cette question. Quatorze États ont interdit l’interruption volontaire de grossesse, et d’autres, comme la Floride, ont mis en place différentes limites. Des associations et des militants cherchent, par des voies juridiques ou politiques, à retrouver ce droit. Un des modes d’action consiste à récolter des signatures – dont le nombre et la procédure varient selon les règles locales – pour obtenir la tenue d’un référendum. Les électeurs de l’Ohio ont voté majoritairement pour inscrire ce droit dans la Constitution de l’État en novembre 2023. L’avortement y est désormais autorisé jusqu’à près de vingt-deux semaines de grossesse.

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Cet exemple a redonné espoir aux militants en Floride, qui ont pu récolter suffisamment de signatures pour que soit organisé un référendum. Les électeurs se prononceront en novembre prochain, le même jour que l’élection présidentielle, pour inscrire ou non ce droit dans leur législation locale. Ryan Moran milite auprès de la branche locale des Democratic Socialists of America, un parti politique à la gauche du Parti démocrate, à Jacksonville. Il a participé au recueil des signatures.

« D’habitude, nous n’avons pas de bons candidats sur nos bulletins de vote. Ceux qui sont démocrates ou libéraux [au sens de progressistes, NDLR] ne sont jamais représentés. Le fait qu’un tel scrutin soit possible est novateur. C’est une lutte positive, qui contredit le sentiment qu’éprouvent certaines personnes. Celles qui sont sans espoir et détachées du système politique », se réjouit-il.

« Les réfugiés sont les bienvenus »

Le droit à l’avortement est l’un des thèmes principaux des démocrates, à l’échelle locale ou nationale, tandis que les républicains misent sur la question de l’immigration. Donald Trump insiste sur ce point dans sa campagne. Il a affirmé lors d’un meeting en décembre 2023 que les migrants « empoisonnent le sang de notre pays ». Face à la xénophobie des discours de certains responsables politiques, des associations luttent comme elles peuvent. 

Jimmy Dunson est cofondateur de l’association Love Has No Borders (L’amour n’a pas de frontières), à Tampa, en Floride, pour aider les réfugiés – par des distributions alimentaires et en facilitant leur accès au logement – ou montrer qu’« ils sont les bienvenus ». L’association a été créée en 2015. Elle ne s’engage pas à proprement parler en politique mais, « si des politiques ont des conséquences négatives sur les êtres humains, nous nous y opposons et, par extension, nous sommes contre les politiciens qui les soutiennent », explique-t-il. Pour lui, son travail a une autre fonction : « La nature nous apprend que la meilleure façon de détruire du béton n’est pas avec un marteau-piqueur. Il faut planter des graines dans les fissures, qui grandiront et bourgeonneront pour obtenir un jardin. » 

Jimmy constate une multiplication, ces dernières années, d’initiatives d’entraide. « Dans la résistance contre le régime nazi ou dans l’Underground Railroad [un système permettant aux esclaves de rejoindre le nord des États-Unis pendant le XIXe siècle et d’échapper ainsi au système esclavagiste dans le Sud, N.D.L.R.], une grande partie des actions consistait à prendre soin des autres, à nourrir ceux qui avaient faim, à accueillir quelqu’un qui n’avait nulle part où aller. C’est ce qu’il faut pour résister à l’autoritarisme. »

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