Mouvement associatif: le massacre de dizaines de milliers d’emplois par élus et gouvernements. Les chiffres et l’exemple de Bretagne Vivante

Claude-Marie Vadrot  • 27 septembre 2014
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L’offensive avait commencé avec Nicolas Sarkozy et avec François Fillon, et le massacre à la tronçonneuse technocratique et financière se poursuit avec les gouvernements socialistes successifs : faute d’argent et donc de subventions partout en baisse ou en voie de disparition, l’emploi associatif se réduit rapidement. Des économies « faciles » car la nébuleuse associative n’est pas près, vues la dispersion des intérêts et la disparité des objectifs, sociaux, culturels, sportifs (pour les amateurs) ou environnementaux, de descendre dans la rue. La situation de pénurie contraint de nombreuses associations, surtout les petites structures, à fermer leurs portes ou à se mettre en veille en licenciant leurs quelques salariés permanents. Une (autre) catastrophe sociale totalement silencieuse. Elle est particulièrement sensible depuis l’année 2010.

Car s’il existe environ 1 300 000 associations en France, 170 000 d’entre elles sont également des employeurs et génèrent un chiffre d’affaires de 75 milliards d’euros, soit à entre 4 et 4, 5 % du Produit Intérieur Brut. Une proportion qui place le secteur associatif largement devant celui de l’Hôtellerie et de la restauration, les salaires de ce secteur (hors coopératives et entreprises à vocation sociale ou solidaire) représentant, malgré la modicité des émoluments versés, 6% de la masse salariale du privé.

Les secteurs concernés sont les associations vouées à la culture sous toutes ses formes, à l’aide sociale, à l’animation des quartiers, aux petits clubs sportifs ainsi qu’à la protection de la nature et de l’environnement. Un mouvement multiforme qui dépend pour plus de la moitié de ses revenus des subventions municipales, régionales et nationales. Financement complété par les cotisations des membres, le mécénat n’intervenant que pour 5 %. Les conséquences sont d’autant plus rudes pour le milieu associatif animé par des bénévoles, que, à tous les niveaux, les associations de moyenne et de grande importance sont depuis quelques années soumises au système des appels d’offre dans un secteur qui devient donc « concurrentiel ». Pour le plus grand profit des bureaux d’étude et petites entreprises dont l’objectif, contrairement aux associations de type 1901 qui ne peuvent faire de bénéfices et encore moins les redistribuer, est de gagner de l’argent. C’est par exemple en vertu de ces nouveaux « principes » que Bretagne Vivante , vieille association de protection de la nature en Bretagne, vient de se voir écartée de la gestion de la réserve naturelle de la Mer d’Iroise qu’elle a contribué à créer et à gérer il y a des années. Une menace qui pèse également sur de nombreuses associations qui gèrent des réserves naturelles. Elles vont être progressivement écartées au profit des bureaux d’étude à buts lucratifs, offrant moins d’emplois pour cause de rationalisation et surtout plus « dociles » face aux élus et aux exigences du pouvoir central.

L’examen de l’évolution du financement des petites associations, montre qu’au niveau local et régional au moins, seules celles dont l’activité concerne les retraités ou les regroupements de boulistes, échappent souvent à la disparition des subventions. Une façon comme une autres, pour les élus locaux et régionaux, de s’attacher une clientèle électorale. Les associations qui, avec des bénévoles, se préoccupent de la situation des gens affectés par la précarité ou qui assurent la préservation de la nature ou le suivi de la lutte contre les pollutions urbaines ou rurales, sont les plus touchés par l’amenuisement ou la disparition des financements. Les premières accusées « d’entretenir des fainéants » et les secondes étant considérées par les élus, de droite comme de gauche mais surtout de droite, comme regroupant des « emmerdeurs » face à leurs erreurs environnementales. Des élus qui se liguent avec les notaires, les sociétés immobilières et les aménageurs pour réclamer une « simplification » administrative. Expression qui devrait pour eux se traduire par une disparition des garde-fous contre l’ attribution désordonnée des permis de construire et des autorisations de défrichement. A terme, après avoir organisé l’amenuisement de leurs ressources, cette partie agissante et redouté du corps social veut aussi parvenir à rendre plus difficile l’usage de la seule arme restant souvent aux associations : les recours auprès de tribunaux administratifs.

Au rythme actuel, les coupes budgétaires en cours pourraient se traduire, dans quelques années à la disparition d’une centaine de milliers d’emplois associatifs et également à une perte d’une connaissance du terrain qui fait la force de ses « gêneurs ».

Depuis le 29 mai une Commission d'Enquête Parlementaire est officiellement chargée "d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle et de proposer des réponses complexes". Au delà de cet intitulé un peu trop complexe pour être honnête, il est rassurant que le président de cette Commission soit André Chassaigne, membre du parti communiste. Par contre que la rapporteure soit Françoise Dumas, députée PS du Gard et groupie inconditionnelle de François Hollande et de Manuel Valls l'est beaucoup moins. La Commission pourrait bien enterrer définitivement les associations... sous un monceau de fleurs et de compliments.
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