L’homme coupé en deux

Réflexion sur la peine capitale autour du dernier guillotiné en France, Hamida Djandoubi, en 1977.

Jean-Claude Renard  • 6 octobre 2011 abonné·es

Son corps est enterré sous une dalle anonyme dans un coin du cimetière Saint-Pierre, à Marseille. Hamida Djandoubi est le dernier homme à connaître la guillotine en France, le 10 septembre 1977. Une exécution passée aux oubliettes.

Djandoubi a été condamné pour avoir séquestré, torturé, violé et tué son ancienne compagne, Élisabeth Bousquet. Son avocat, Jean Goudareau, n’est pas un pénaliste, et il est loin d’imaginer que la peine de mort sera requise, au terme d’un procès qui n’aura duré que deux jours.

Rehaussé d’images d’archives, le film de Cédric Condom réanime d’abord les acteurs d’alors pour évoquer un itinéraire et une histoire tragique. Le défenseur de Djandoubi, Goudareau, l’avocate de la famille de la victime, Éliane Perasso, la juge d’instruction, Françoise Llaurens. Pour eux, sans pathos, face caméra, le temps est aux souvenirs, pour revenir sur le « dernier homme à avoir été coupé en deux » , selon l’expression de Robert Badinter.

Programmé à l’occasion du trentième anniversaire de l’abolition de la peine de mort (9 octobre 1981), le film s’ouvre et se referme, ­précisément, sur le discours abolitionniste de Badinter à l’Assemblée nationale. Formellement classique (alternance d’archives et de témoignages, caméra subjective en quête de reconstitution, accompagnement musical), ce documentaire rend compte d’un contexte à travers les images d’actualités et les interventions de Jean-Yves Le Naour, historien.

En novembre 1972, Claude Buffet et Roger Bontems sont guillotinés, à Paris, pour meurtre et complicité de meurtre d’une infirmière et d’un gardien lors d’une prise d’otages à la centrale de Clairvaux. Devant le palais de justice, la foule crie « À mort ! ». 63 % des Français se disent favorables à la peine capitale. « La question est de savoir si ce supplice peut avoir une quelconque utilité » , observe Thierry Lévy, jeune avocat de Claude Buffet.
Quatre ans plus tard, en juillet 1976, après un procès très médiatisé (qui fait croire encore qu’il s’agit du dernier exécuté), Christian Ranucci est guillotiné à Marseille, accusé du meurtre d’un enfant. Après lui, en janvier 1977, suivra l’affaire Patrick Henry, dans un procès non moins ­retentissant (et dont Badinter sauvera la tête dans une plaidoirie abolitionniste fameuse). En transe de bêtise inquiète, Roger Gicquel piteux avait déclaré au JT : « La France a peur. » Le 23 juin 1977, la guillotine tombe encore, à Douai, pour Jérôme Carrein, également condamné pour le meurtre d’un enfant. C’est dans ce climat que le procès Djandoubi a lieu. Giscard lui refusera la grâce présidentielle.

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