Télé : Écran super-plat

Entre médiocrités et rediffusions, tout se passe comme si la télévision avait pris ses vacances.

Jean-Claude Renard  • 26 juillet 2012 abonné·es

Après Isabelle la Catholique, après Louis XV et Marie Leczinska, voici Christine de Suède, « reine des scandales ». Un retour sur « une reine méconnue, qui a eu une vie originale, singulière et surtout incroyablement provocatrice », présentée par le toujours émoustillé Stéphane Bern (faudra-t-il un jour lui rappeler que tout cela s’est mal terminé, à la lanterne ou la tête tranchée ? S’il ne le sait pas, doit-on lui dire la vérité ?). « Secrets d’histoire » (France 2) se veut un coup de projo sur une tête couronnée, un mag « culturel » empruntant au documentaire, auquel des historiens, experts en personnages emperruqués, apportent leur caution. Avec « une femme qui se moque des conventions » (une révolutionnaire, en somme), qui « s’affiche au bras de nombreux amants », il y a de quoi émouvoir les chaumières.

« Secrets d’histoire » est l’un des « points forts » de la chaîne publique cet été. Avec le sempiternel « Fort Boyard » du samedi soir (23e saison, c’est long à la fin), où « une équipe de six personnalités, soutenant une même association, devra faire preuve d’ingéniosité, de force et de courage pour prétendre accéder au trésor tant convoité : les Boyards ». À lire les communiqués de presse, on se demande si les rédacteurs sont réellement sérieux. « Secrets d’histoire » ou « Fort Boyard » : deux titres au diapason d’une programmation au relief d’écran plat. À côté de magazines pseudo-culturels, de jeux, de divertissements ridicules, les chaînes multiplient les rediffusions. France 2 ne se lasse pas de « Rendez-vous en terre inconnue », de la série Boulevard du palais, des téléfilms adaptés des contes de Maupassant et de la série américaine Cold Case : affaires classées. France 3 aligne la série du Commissaire Montalbano, les numéros de « Thalassa » et de « Faut pas rêver », la série des Fantomas avec Louis de Funès (il fallait oser, mais la chaîne ne s’était pas privée de diffuser Oscar et Hibernatus lors des soirées de la présidentielle). Doit-on prier pour retrouver Don Camillo ? Pareillement inspirée, TF1 additionne et multiplie les séries américaines ( les Experts : Manhattan  ; Esprits criminels  ; New York, section criminelle ). De son côté, outre les séries NCIS et Sex and The City, M6 entretient son goût pour la télé-réalité avec une rediffusion de « D&Co », présentée par Valérie Damidot. Programme absurde sur la déco qui fait croire au clampin que son intérieur va changer de fond en comble en moins d’une semaine pour pas un rond.

Avec « L’amour est dans le pré », on jette à l’image un céréalier et viticulteur, un éleveur et maraîcher, une éleveuse de vaches à viande et un producteur d’Armagnac. Tous recevant chez eux des invités qui découvrent l’univers agricole. Entre premiers émois et rivalités, émotion garantie et voyeurisme assuré. Même Arte n’échappe pas à la tentation de la rediffusion : le Big Bang, mes ancêtres et moi, documentaire de Franck Guérin et Emmanuel Leconte, ou la Malédiction du plastique, de Ian Connacher ; les séries consacrées aux Kennedy et à la chute de Rome ; le téléfilm Gaspard le maudit, de Benoît Jacquot ; l’Effrontée, de Claude Miller… Si l’on regarde du côté des chaînes de la TNT, les programmes se partagent entre les habituelles séries policières américaines, auxquelles s’ajoutent les Columbo et la rediffusion des téléfilms franchouillards ( Une femme d’honneur  ; Louis la Brocante ) et la saga d’une Angélique, obstinément « marquise des anges » depuis les années 1960. D’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre, tout se passe comme si la télévision avait pris ses vacances. De fait, les tranches documentaires de France Télé, « Infrarouge » et « la Case de l’Oncle Doc », ont disparu des écrans. Médiocrités et rediffusions. Soit une double peine. Pour agiter le fond sonore, il n’y aura guère que Nelson Monfort, commentant les Jeux olympiques, comptant en millièmes de seconde ce qu’il devrait noter en poches de sang.

Médias
Temps de lecture : 4 minutes