L’OPA des multinationales sur les terres arables

Cet ouvrage collectif retrace les luttes paysannes locales contre l’accaparement des sols.

Claude-Marie Vadrot  • 6 décembre 2012 abonné·es

Le livre s’ouvre sur deux drames qui illustrent la violence de la mainmise de l’agrobusiness sur l’agriculture mondiale. D’abord un agriculteur argentin abattu par deux hommes masqués devant sa maison : il organisait la résistance de paysans unis contre leur expulsion au profit d’une immense plantation de soja. Puis, dans le nord du Sénégal, un agriculteur tué et 21 blessés : ils tentaient d’empêcher le contrôle de leurs fermes par une société italienne. Laquelle prévoit d’installer sur leurs terres une vaste plantation de tournesols vouée à la production d’agrocarburants à destination de l’Europe. Au Sénégal, 500 000 hectares ont déjà été attribués à des agro-industriels étrangers. Dans quelques années, la production de riz pourrait y être intégralement contrôlée par des sociétés européennes ou américaines. Dans le sud de l’Éthiopie, dans la région de Gambela, plus de la moitié des terres arables ont été cédées à des investisseurs étrangers, alors que le pays traverse depuis plusieurs années une grave crise alimentaire.

Cet ouvrage dévoile comment et pourquoi « jamais autant d’argent n’a été investi dans le système alimentaire industriel   ». Des faits, mais surtout des chiffres et des graphiques montrant comment des banques, des fonds de pension et des sociétés d’investissement font main basse sur les terres. Provoquant la disparition progressive des petits producteurs, «   avec une perte de la biodiversité agricole qui s’intensifie, même en Europe   ». Une démonstration aussi implacable qu’accablante. On découvre notamment l’ampleur de la nébuleuse Monsanto, qui englobe une centaine d’entreprises dans le monde (chimie, semences, produits agricoles ou pharmacie) et implante ses OGM sur tous les continents.

Le chapitre consacré aux géants du lait est tout aussi saisissant : Lactel, Danone, Nestlé et autres dominent le marché mondial, récoltant leur lait sur toute la planète et vendant leurs poudres au gré des spéculations. Tellement rentable que la célèbre société PepsiCo s’intéresse désormais au gâteau. En toute complicité avec la grande distribution et « ses prix étroitement contrôlés ». Enfin, la partie intitulée « Le dieu viande » détaille l’essor de la « viande industrielle », dont la surconsommation entraîne le développement de la monoculture de soja, au détriment des cultures vivrières. En outre, le soja destiné à l’élevage est souvent transgénique et grand consommateur de pesticides. L’ouvrage montre enfin comment les associations peinent à résister à cette OPA sur les terres et sur l’alimentation. Une lutte inégale dans laquelle «  les petits agriculteurs sont les seuls perdants  ». Comme les consommateurs.

Idées
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