L’on retiendra

En huit jours, Valls interdit une manifestation antiraciste puis autorise un défilé islamophobe.

Sébastien Fontenelle  • 13 mars 2014 abonné·es

L’on retiendra que : le samedi 1er mars 2014, une manifestation antiraciste, dont le parcours avait été dûment – et de longue date – déposé auprès des autorités compétentes (AC), a finalement été, au tout dernier moment, interdite par la préfecture de police de Paris (PP), au motif que lesdites AC, dont le ministre de tutelle était alors (et par ailleurs) occupé à entretenir le fantasme d’une menace venue de « l’ultra-gauche », redoutaient des débordements provoqués par des éléments incontrôlables. L’on retiendra que les quelques personnes qui se sont tout de même retrouvées ce jour-là, à 14 heures, au point de rassemblement – place de la République – d’où cette manifestation devait initialement partir – à la fin, notamment, qui était bien le moins, de signifier, dans le calme et par leur seule présence, qu’elles désapprouvaient l’interdiction de leur défilé –, y ont été, pour la plupart, retenues jusqu’à 17 heures par les forces de l’ordre. L’on retiendra que, par conséquent, cette paisible foule s’est trouvée enserrée, pendant plusieurs heures, dans un espace de rétention d’un genre assez inédit.

L’on retiendra que, huit jours plus tard – le dimanche 9 mars 2014, donc –, une « manifestation contre l’islamisation » de la France a été, quant à elle, autorisée par la (même) PP – qui n’a donc pas jugé que les participant(e)s à ce  happening xénophobe étaient susceptibles de troubler l’ordre public. L’on retiendra que cette bienveillance – dont le moins qui se puisse dire est qu’elle faisait un coupant contraste avec la fermeté répressive qui avait donc été, la semaine d’avant, opposée à des militant(e)s antiracistes – n’était pas (non plus) complètement surprenante, puisque, tout aussi bien, les manifestations des droites défilantes (DD) se répètent, dans Paris, depuis la fin de l’automne 2013, avec une régularité qui ne manque pas d’interpeller, pour ce qu’elle révèle, précisément, de l’étendue des mansuétudes dont la réaction bénéficie de fait dans l’époque.

L’on retiendra que tout cela s’est fait sous le règne du ministre de tutelle évoqué plus haut, dont le nom est Valls – Manuel Valls. L’on retiendra qu’il arrive que ce ««««« socialiste »»»»» de compétition tienne, sur l’immigration ou l’islam – ou les Roms –, des propos qui ne diffèrent qu’à la marge de certaines des proférations où se fédèrent, dans ces matières, d’entiers pans des DD auxquelles son ministère semble avoir consenti un abonnement au pavé parisien. L’on retiendra que tout cela confirme – si besoin était – le caractère largement artificiel des « meetings » organisés par son parti, où ce personnage vient témoigner de son investissement dans le combat « contre les extrémismes », puisque la réalité concrète de l’exercice de son pouvoir est, insistons-y, qu’en l’espace de huit jours il entérine l’interdiction d’une manifestation antiraciste, puis l’autorisation d’un défilé islamophobe. Mais bon, tu votes pour qui tu veux.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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