La vie du rail

T’es un salarié de la SNCF, tu croises un taré lesté d’une kalachnikov, tu fais quoi ?

Sébastien Fontenelle  • 26 août 2015 abonné·es

Dimanche soir, il est tombé quelques gouttes sur le Languedoc-Roussillon : un truc relativement traditionnel dans la région, mais où – conseil d’ami qui te veut du bien – tu as quand même intérêt à apprendre à nager avant de sortir de chez toi, parce que bon, ça serait quand même un peu con de mourir noyé sous un crachin cévenol, pas vrai ? Le trafic ferroviaire local s’en est trouvé discrètement perturbé – mais rien de grave, pour qui sait qu’un banal trajet en train entre deux localités distantes d’une petite dizaine de kilomètres peut parfois prendre jusqu’à cinq jours et demi quand la pluie s’en mêle –, j’espère que t’étais pas trop pressé(e) d’entrer en gare ?

Lundi matin (LM), cependant, la SNCF a proclamé que tout était «   à peu près » rentré dans l’ordre, et ça tombait pile bien, parce qu’on devait justement prendre à Nîmes – avec l’estimablissime personne qui partage ma vie, et réciproquement – le TGV de 10 h 54 pour Paris. Con de moi : j’aurais dû me méfier de cet «   à peu près ». LM : on arrive sur le quai à 10 h 40, et, à 11 h 35, le TGV pour Paris est enfin annoncé. Poliment, je m’enquiers auprès d’un contrôleur – au demeurant fort affable : « Buddy ? C’est bien le train de 10 h 54 qui nous arrive là ? » Que nenni, me répond le brave homme sur le ton de qui, navré que tu ne l’aies pas pressentie, te rappelle une évidence : c’est celui de 9 h 54. Qui est en approche à l’entour d’11 h 35. Moi, tu me connais : je reste hyper-calme, HYPER-DÉTENDU. J’entends, lui réponds-je, mais alors : quid de la rame qui devait partir à 10 h 54 ? Et le mec me répond : elle a vingt-cinq minutes de retard. TOUJOURS TRÈS DÉTENDU – à la limite, même, de la liquéfaction – je lui fais alors remarquer qu’il pourrait être hardi de soutenir trop longtemps que le TGV de 10 h 54 qui n’est toujours pas annoncé à 11 h 35 n’a que vingt-cinq minutes de retard. Et là, le gars me lance, texto : « De toute façon je n’ai pas de radio. » Qu’est-ce que tu veux rétorquer à ça ?

Bref. Finalement, le train de 10 h 54 est parti vers midi et demi – jusqu’à Valence [^2], où il a fait une petite pause de 40 minutes à peine, on va pas non plus trop se presser quand le temps est à l’humidité, hummm ? Moyennant quoi, j’ai eu tout le temps de me consacrer aux délassantes méditations qui nous viennent à tou(te)s, désormais, quand nous prenons le train – et de me demander : t’es un(e) salarié(e) de la SNCF, tu croises un taré lesté d’une kalachnikov en remontant la voiture 14, tu fais quoi ? Tu sors ton stylo et tu lui cries de lever les mains, motherfucker – genre t’es le Steven Seagal de Guillaume Pépy pour 1 500 euros par mois, et cette légion d’honneur va faire joli dans ton séjour ? Ou tu te barres vite fait avant d’essuyer une rafale, quitte à faire de la peine à Jean-Hugues Anglade (J.-H. A.)? Et je sais qu’on a tou(te)s envie de se raconter qu’on est des héro(ïne)s – mais d’un autre côté, dis-moi : qu’est-ce qu’on en a à f… iche, au juste, de faire de la peine à J.-H. A. ?

[^2]: Message personnel : salut à toi, Pâtre.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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