Et si Valls allait se coucher ?

Alors, le Premier ministre a-t-il eu raison de se rendre à « On n’est pas couché » ?

Christophe Kantcheff  • 20 janvier 2016
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Et si Valls allait se coucher ?
© Photo : THOMAS SAMSON / AFP

« Moi je n’ai pas bougé, et maintenant je me retrouve avec plein de gens à ma droite. Vous aussi, vous vous êtes droitisé ! » Ce vieux roué de Jean d’Ormesson avait l’œil pétillant quand il s’est ainsi adressé à Manuel Valls, samedi soir, au cours de l’émission animée par Laurent Ruquier, « On n’est pas couché ». Il a dû attendre longtemps avant de pouvoir décocher sa flèche mais, le moment venu, il n’a pas raté sa cible. De même, l’humoriste Jérémy Ferrari bouillait dans son coin, et ce n’est qu’à la toute fin de la séquence première-ministérielle, vers 1 h 45 du matin, qu’il a pu enfin sortir de ses gonds. « Vous, vous êtes en guerre, votre gouvernement est en guerre ; nous, nous ne sommes pas en guerre ! » Et de citer à la volée la présence d’Ali Bongo dans la marche du 11 janvier 2015, les interventions militaires de la France ou l’inutilité de la loi sur la déchéance de nationalité. Dommage qu’on n’ait pas commencé par là.

Pourquoi les émissions de télévision potentiellement intéressantes sont-elles toujours montées à l’envers ? Le sectateur de Clemenceau en menait soudain moins large face à cette incontrôlable éruption. On sortait du parcours balisé. Heureusement, Ruquier a vite recadré. La scène lui rappelait l’accrochage, en 1980, entre le jeune Daniel Balavoine et François Mitterrand, alors en campagne électorale. Épisode connu donc rassurant, et plutôt flatteur pour Manuel Valls puisque Mitterrand s’en était habilement sorti.

Alors, le Premier ministre a-t-il eu raison de se rendre à « On n’est pas couché » ? De son point de vue, c’est tout bénef. Une heure trente à dérouler confortablement, avec un Moix dégonflé comme une baudruche, un Ruquier qui entérine d’emblée l’état d’urgence « admis par tout le monde », et malgré une Léa Salamé qui a fait le job, y compris sur le chômage.

Pour le spectateur, c’est une autre affaire. Il a vu un chef de gouvernement à la pensée discount répéter comme un mantra guerrier que la réponse à tout est dans la République et ses « valeurs ». Sans jamais entrer dans leur détail – de quelles « liberté, égalité, fraternité » parlait-il, et ne sont-elles pas continûment bafouées, y compris par lui ? Mais il émanait de sa personne la résolution du doctrinaire et la rigidité du convaincu. Cet homme semblait ne pas douter d’avoir raison. C’est ça qui fait peur…

Culture
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