Réguler Christophe Barbier ?

L’éditocratie a trouvé les responsables : l’affaire Griveaux, c’est la faute aux réseaux sociaux.

Sébastien Fontenelle  • 19 février 2020 abonné·es
Réguler Christophe Barbier ?
© JOEL SAGET / AFP

Depuis le début de ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’affaire Griveaux (1), la presse et les médias rivalisent d’indignation et, jamais avares d’un bon vieux cliché, se désolent en chœur de cette « américanisation de la vie politique » française (2) – qui était, jusqu’à présent, tellement admirable, hein, tellement pétrie de cette inégalable délicatesse made in chez nous, où le viol était tranquillement présenté comme un « troussage » et le harcèlement comme une galanterie – pendant que les Yankees pathétiques se noyaient dans la pruderie.

Naturellement, l’éditocratie, chez qui le goût de l’enquête ne s’est donc pas complètement perdu, a cherché des responsables – et les a trouvés : l’affaire Griveaux, c’est la faute aux réseaux sociaux.

L’inénarrable Philippe Val, sollicité par Le Journal du dimanche, a produit ce solide argument : si « Twitter et Facebook » avaient « existé sous l’occupation nazie », a-t-il expliqué, personne n’aurait « survécu aux dénonciations ». (Alors que là, sans tous ces salauds de délateurs planqués derrière leurs écrans, ça s’est plutôt pas trop mal passé ?)

Plus sérieusement, Christophe Barbier a quant à lui exigé « une régulation du Net et des réseaux sociaux ». Je dis « plus sérieusement » parce qu’en vrai je suis plutôt d’accord avec lui : ce sont des endroits où trop d’horreurs sont dites.

Pas plus tard qu’aujourd’hui, tiens, j’ai vu passer sur Internet des trucs bien sales qui s’en prenaient aux musulman·es, par exemple, avec des considérations écœurantes sur « la peur de l’islam » ou le « danger communautariste » auquel nous exposerait cette religion. J’ai aussi relevé des tweets d’un sexisme atterrant : des propos dégueulasses sur Ségolène Royal « l’emmerdeuse », sur « ces femmes », indignes mais nombreuses, qui ont « gâché la vie » de François Hollande quand il était chef de l’État français, ou sur celles, tout aussi néfastes mais beaucoup plus nombreuses encore, qui usent contre les « hommes » de « l’arme du sexe ».

Puis encore – et enfin – j’ai trouvé des tweets dégoulinants de haine (et de mépris) de classe, assurant par exemple qu’« un chômeur doit être peu indemnisé au début » (mais pas trop non plus à la fin). Et donc, je trouve qu’en effet Christophe Barb…

Attends ! Mais que je suis ballot : j’ai tout confondu !

Ces trucs dégoûtants sur les musulman·es et les femmes ? Ce n’est pas du tout sur Internet ou chez Twitter que je les ai vus, mais sur des couvertures de L’Express, à l’époque où cet hebdomadaire était dirigé par Christophe Barbier. Et c’est dans l’un de ses éditoriaux – et non sur les réseaux sociaux – que j’ai ramassé l’atroce exigence que les chômeurs et chômeuses soient moins indemnisé·es.

Mais du coup, je me demande un truc : est-ce qu’il ne serait pas – grand – temps de réguler Christophe Barbier ?

(1) Sur laquelle le camarade Sieffert revient également dans son édito, tavu ?

(2) Ce sont les mêmes, notons, qui psalmodiaient naguère, dans un même unisson, qu’il était plus que temps que la gauche française se convertisse aux suavités du reaganisme.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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