Une amende pour la France

Patrick Piro  • 5 juillet 2007 abonné·es

Une amende de 28 millions d’euros, et plus de 100 000 euros d’astreinte journalière : la Commission européenne demande à la Cour de justice européenne de sanctionner la France, après six ans de vaines menaces au sujet de la pollution aux nitrates de nombreuses rivières bretonnes, qui entraîne la prolifération des «alguesvertes» sur le rivage (notre photo).

L’affaire est exemplaire à plus d’un titre. Tout d’abord par la patience de Bruxelles, qui attend depuis vingt ans que Paris honore sa signature : l’infraction remonte à 1987 pour non-respect d’une directive de 1975 limitant à 50 milligrammes par litre (mg/l) la teneur en nitrates des captages destinés à produire de l’eau potable. En 2001, nouvel avertissement : 37 rivières bretonnes dépassaient ce seuil. En mars dernier, Bruxelles accorde un dernier sursis de trois mois, car il en restait encore 9.

Ensuite, la France s’est empêtrée avec constance dans ce dossier, privilégiant les compromis boiteux entre les intérêts des agriculteurs et ceux de l’environnement. La loi sur l’eau de fin 2006, adoptée après sept ans de travail, est un modèle du genre, taxant les agriculteurs pour les excès de pesticides épandus, mais pas pour les nitrates ! Un rapport récent de la sénatrice UDF Fabienne Keller étrille la politique française de l’eau, peu efficace et mal organisée.

Enfin, l’amende sanctionnerait, au fond, un modèle agroalimentaire breton productiviste jusqu’à l’absurde, et que défendent encore une majorité d’agriculteurs choqués de la décision de Bruxellois « après tant d’efforts ». Une décision que relativise l’association écologiste Eaux et rivières, qui a joué un rôle déterminant dans cette affaire depuis 1992 : sur les 37 rivières mal en point, il en reste en fait 18, car, pour éviter l’amende, l’administration a préféré renoncer au captage dans 9 rivières, qui s’ajoutent aux 9 encore trop chargées en nitrates en mars. Ultime « effort », Paris propose d’en condamner 4 autres. Une logique ubuesque qui évite la question de fond, explique Jean-François Piquot, porte-parole d’Eaux et rivières : comment, avec 6 % du territoire français, la Bretagne peut-elle supporter respectivement 60 %, 50 % et 30 % de la production nationale de porcs, de volailles et de bovins ? « L’eau bretonne est la plus chère du pays, parce que les trois quarts des usines de production sont équipés de coûteux modules de traitement des nitrates et des pesticides. »

Écologie
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