Courrier des lecteurs Politis 968

Politis  • 20 septembre 2007 abonné·es

La nationalité de P’tit Louis

Son grand père paternel est un immigré hongrois, naturalisé ; et sa grand-mère paternelle, la fille d’un juif de Salonique. Son grand-père maternel est moldave, et sa grand-mère maternelle fille d’un Belge et d’une Espagnole. Quelle est la nationalité de P’tit Louis Sarkozy ? Sans discussion possible, il est français par le droit du sol, car né en France d’au moins un parent né en France. Même s’il peut prétendre, par le droit du sang, aux nationalités belge, espagnole, moldave…

Peut-être demandera-t-il un passeport belge ou espagnol, plus facile à obtenir par les binationaux vivant en France qu’un passeport français, si l’on en croit l’abondant courrier reçu par Libération [^2] à la suite des mésaventures d’une Française né en Algérie à qui on a demandé une attestation de judéité pour obtenir son certificat de nationalité.*

Voilà où conduit l’obsession anti-immigrés qui a saisi les politiques depuis quelques années et qui ne fait que s’amplifier depuis que Nicolas Sarkozy est entré dans la carrière, du ministère de l’Intérieur à la présidence de la République.

Mais a-t-on demandé un certificat de nationalité au candidat Nicolas, Paul, Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa lors de la dernière élection présidentielle ? « Comme tous les Français nés à l’étranger ou de parents étrangers » a-t-il été astreint à la « procédure spéciale » ? Lui a-t-on demandé les actes de naissance de son père et de sa mère, un acte de mariage (religieux ?) de ses parents, « un acte de [sa] religion », le livret militaire de ses deux grands-pères ? A-t-on fait de même pour sa concurrente, née au Sénégal, mais dont, il est vrai, le patronyme débordant de légitimité la place au-dessus de tout soupçon ?

La présidence de la République est, on le sait, un poste à responsabilité limitée, par rapport à celui des personnes chargées d’élire son titulaire. En tout cas, les Français ont élu Nicolas Sarkozy sans soulever cette question, ce dont on ne devrait pas avoir à se féliciter. Il ne reste plus qu’à espérer que les politiques et l’administration aient la même sagesse que le peuple français.

Paul Oriol, Versailles

Mai 68

Ceux qui ont connu cette époque en gardent sans doute un souvenir à la fois glorieux et amer.

Glorieux, parce qu’ils ont osé dire « non » à une société autoritaire et sclérosée, où les enfants, face aux parents et aux professeurs, et les salariés, face aux responsable hiérarchiques, avaient le privilège de se taire et de subir. Comme l’a rappelé Daniel Cohn-Bendit, les moeurs de cette époque étaient telles que ni M. Sarkozy, marié deux fois et descendant d’immigrés, ni Mme Royal, femme, n’auraient pu figurer au palmarès d’une élection présidentielle. Je revois encore, au CP, l’élève que l’instituteur avait enfermé dans un placard « avec les rats », parce qu’il ne suivait pas la lecture[…]. Oui, Mai 68 a changé cela ; sans doute est-on en retour devenu trop permissif, mais il est à espérer qu’on ne reviendra pas à ce monde d’avant~[…].

Souvenir amer aussi. Quel terrible échec ! La majorité des Français s’étaient mis en grève, ils voulaient une révolution. Ils voulaient que les dirigeants et le « système » changent. Seulement, la « relève » a fait défaut, et puis il y a eu la trahison de Séguy. Les accords de Grenelle n’étaient ni plus ni moins que du chantage. Ainsi, le PCF n’a pas voulu jouer le rôle historique de force révolutionnaire, et c’est depuis cette lâcheté que ses électeurs n’ont cessé de le bouder.

La trahison des syndicats a laissé de profondes blessures, et la majorité des salariés a cessé de se syndiquer. Le pessimisme puis le cynisme l’ont emporté sur la libération des moeurs, seul acquis de ces événements, qu’il faudra sans doute défendre chèrement. Il faut admettre, nous le savons aujourd’hui, que les partis de gauche de l’époque n’avaient pas de véritable nouvelle société à proposer, car ils n’ignoraient pas les échecs cuisants de l’URSS ou de la Chine de Mao.

Décidément, notre Président a eu raison d’attirer notre attention sur cette époque. Non seulement elle permet de comprendre la France d’aujourd’hui, où règnent le désabusement et le chacun-pour-soi, mais elle va à présent nous amener à réaliser ce qui ne fut qu’un rêve : bâtir un monde nouveau sur les ruines boursières qui s’annoncent. Et, cette fois, nous n’aurons pas vraiment le choix. Nous allons devoir (re)devenir révolutionnaires par nécessité.

G. Mortal

[^2]: Libération du 7 août 2007.

Courrier des lecteurs
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