Paradis délétères

Jean-Baptiste Quiot  • 21 février 2008 abonné·es

Un scandale d’évasion fiscale en Allemagne, et les paradis fiscaux font leur retour sur la scène médiatique et politique! Pourtant, un grand nombre d’études et de rapports ont déjà mis en cause depuis longtemps ces lieux, dont l’existence est justifiée par les pratiques capitalistes modernes.

Le scandale financier en Allemagne en est l’illustration. Une centaine de personnalités, dont le patron de la poste allemande, Klaus Zumwinkel, sont en effet soupçonnées d’avoir dissimulé leur argent au Liechtenstein, pour un montant estimé à 5milliards d’euros. Un gros trou dans les coffres du fisc! Angela Merkel s’est étonnée d’une affaire qui «~va au-delà de l’imaginable~» , comme si ces dérives étaient une découverte. Son ministre de l’Économie, Michael Glos, fait, quant à lui, davantage preuve d’imagination: «~Les élites font craquer le système. Les dirigeants doivent prendre conscience de leur fonction de modèle pour la société. Faute de quoi notre économie sociale de marché ne sera plus crédible.~»

Une économie qui repose en effet sur les réformes en faveur des plus riches, au nom de «~l’attractivité fiscale~». Cette politique semble aller de pair avec l’existence des paradis fiscaux, qui, dans le domaine de l’attractivité, sont imbattables. Avec la Suisse, Monaco, San Marin, Andorre et le Lichtenstein, l’Europe est la région du monde qui en compte le plus grand nombre. Et la Commission ne fait pas grand-chose pour lutter contre cet état de fait. Dernière tentative en date, la directive du 1erjuillet2005 sur la fiscalité de l’épargne, qui a été négociée pendant quinzeans. Un des objectifs de cette directive était de faciliter les échanges d’informations afin de lutter contre l’évasion des capitaux au sein de l’Union. Mais plusieurs pays comme le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche n’ont pas voulu révéler le secret de leur place bancaire. Il a été impossible d’exiger des principaux paradis fiscaux qu’ils abandonnent ce secret. La seule manière pour un pays ou pour l’Europe de lutter contre les évasions reste peut-être de devenir soi-même un paradis fiscal.

Cette absence de décisions politiques est révélatrice d’un état d’esprit. Cette affaire allemande n’est pas tant dérangeante d’un point de vue politique qui, de toute façon, considère que l’enrichissement des riches est vecteur de croissance, que pour le danger qu’elle fait courir au libéralisme économique. Comme l’a affirmé le ministre des Finances allemand, Peer Steinbrück~: «~De tels événements entraînent des réflexes protectionnistes, conservateurs et étatistes.~» Ces «~réflexes étatistes~» pourraient être, par exemple, ceux de la répartition des richesses ou de la lutte contre les inégalités. Attention danger~!

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