Naissance de la Pieuvre

Bernhard Pfletschinger retrace une histoire de la mafia depuis
ses origines, loin de toute représentation romanesque.

Jean-Claude Renard  • 14 octobre 2010 abonné·es

La légende est tenace. Il était une fois trois chevaliers espagnols. On raconte qu’ils seraient arrivés en Italie au XVe siècle. Ils ont d’abord étudié les règles de la société et se sont séparés. L’un a débarqué en Sicile pour donner naissance à Cosa Nostra. Un autre a traversé le détroit pour arriver en Calabre et fonder la ‘Ndrangheta. Le troisième s’est installé à Naples et a créé la Camorra. La légende souligne combien la mafia a besoin de généalogie, avec une même matrice : trois cavaliers espagnols.

Une origine qui s’expliquerait par la présence des Bourbons. Cette légende pourrait s’enrichir d’un quatrième personnage, celui qui aurait été à l’origine de la Sacra Corona dans les Pouilles.
Dans tous les cas, apparue au milieu du XIXe siècle, la mafia naît en opposition à toute idée de soumission à un État central, empruntant son nom à la langue arabe, « mûafât », signifiant courage et protection. Non sans violence, et prospérant dans tout le sud de l’Italie, avec pour devise « servir, obéir et se taire ». Une devise au service d’intérêts privés, soudoyant les juges, la police et les politiques, pratiquant l’extorsion, la corruption, les opérations financières occultes, s’impliquant dans tous les trafics. Un État dans l’État, qui suit le fil de l’histoire, dont Bernhard Pfletschinger fait ici le récit en deux volets, entre archives, témoignages et extraits de films, avec des moments clés de l’histoire italienne.

En 1860, en route pour l’unité italienne, c’est grâce à la mafia que Garibaldi parvient à envahir le royaume des Deux-Siciles appartenant aux Bourbons, avec seulement deux mille hommes à ses côtés. En juillet 1943, c’est aussi la mafia qui permet aux Alliés de débarquer sur les terres de Cosa Nostra, opposée aux volontés hégémoniques du Duce. Avant d’infiltrer le monde économique et politique, s’étirant telle une pieuvre.

Avec Giulio Andreotti, à la tête de la Démocratie chrétienne, les mafias trouveront un allié privilégié, comme avec Berlusconi, entre affairisme et clientélisme. Aujourd’hui, les « honorables sociétés » occupent encore un rôle important dans l’activité économique, et la construction de l’autoroute du Sud, entreprise il y a plusieurs années, faisant « bouillir la marmite », serait l’exemple parfait de sa pérennité.

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