Berlusconi : ceci est son corps, lifté pour vous

Olivier Doubre  • 23 décembre 2010 abonné·es

Un soir de décembre 1993, 20 h 30 : Silvio Berlusconi, l’une des premières fortunes d’Italie, magnat de la télévision commerciale, de l’édition et de la publicité, enrichi par de louches spéculations immobilières à Milan, met en scène sur Canale 5, chaîne de télé qui lui appartient, sa « descente sur le terrain politique » . Afin d’empêcher les « communistes-qui mangent-les-enfants » , comme il aime à le répéter, d’arriver au pouvoir, et au lendemain de la chute de la Démocratie chrétienne. L’industriel milliardaire arbore ce large sourire qui devient d’emblée son principal « argument » électoral. Maquillé, tiré à quatre épingles, cintré dans un costume trois-pièces, quelques mètres devant plusieurs de ces jeunes femmes en bikini qui ont fait le succès de ses chaînes de télé, il annonce sous une pluie de paillettes la création de son parti politique : Forza Italia (« Allez l’Italie »), slogan des tifosi de l’équipe nationale. Le culte du sport fait d’emblée partie du « package électoral » du nouveau politicien, également propriétaire du Milan AC.

Janvier 2001 : la campagne électorale bat son plein. Chaque foyer italien découvre un matin dans sa boîte à lettres un magazine sur papier glacé intitulé Una storia italiana (Une histoire italienne). Foin de programme électoral. Seul le roman-photo de son ascension sociale… tiré à quarante millions d’exemplaires ! Du nourrisson dans les bras de sa mère au jeune chanteur sur les navires de croisière, allure de play-boy et guitare à la main. Puis c’est le début du « succès » (sic) du jeune patron de travaux publics ayant fait (très) rapidement fortune. Le conte de fées se poursuit par un beau mariage (avec une actrice), des enfants charmants, une famille unie vivant dans d’immenses villas…

Dès les années 1970, les images disponibles de l’entrepreneur sont soigneusement contrôlées. Mais, depuis son accession au pouvoir, cette obsession de sa propre image se double d’une transformation corporelle visant surtout à tenter de gommer les effets du temps. Dans un récent essai [[Berlusconi. Le corps du chef, Marco Belpoliti, traduit de l’italien
par Jean-Pierre Cometti, Nouvelles Éditions Lignes, 192 p., 16 euros.]], le journaliste Marco Belpoliti montre ainsi combien le président du Conseil fait prévaloir un « élément cyborg » , celui d’un « corps postmoderne ou médiatique » qui se voudrait « sans âge » et semble quasiment « minéralisé »  : contre sa calvitie, on voit bientôt fleurir de touffus implants capillaires, et la forme du visage, constamment maquillé, vient même à légèrement changer, résultat de liftings successifs. Le « corps du chef » , comme celui de son ami Poutine, qu’il reçoit presque chaque été dans son immense domaine de Sardaigne, doit montrer un être toujours jeune. Et, bien entendu, séducteur de (très) jeunes filles, ou en tout cas toujours actif sexuellement. Que ses conquêtes soient tarifées ne le dérange pas : on doit savoir que, bien qu’il ait plus de 70 ans, son corps ne faiblit pas. Surtout au lit…

Publié dans le dossier
Le corps en politique
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