Une pièce en trop

Patrice Chéreau propose une décevante mise en scène de « Rêve d’automne », du Norvégien Jon Fosse.

Gilles Costaz  • 23 décembre 2010 abonné·es

Comme le Norvégien Jon Fosse est l’un des plus grands auteurs européens, on ne lui en voudra pas d’avoir écrit une pièce aussi ­médiocre que Rêve d’automne , celle-là même que Patrice Chéreau a montée au Louvre, à l’intérieur du cycle d’hommage qui lui est rendu, et qui est reprise au Théâtre de la Ville. Cette pièce, on la connaît puisqu’elle a fait déjà l’objet de mises en scène en France : on a vu René Loyon puis David Gery s’y casser les dents. Chéreau échoue à son tour, sans perdre le sens de la splendeur de l’esthétique et du jeu qui lui appartient, et caractérise les acteurs réunis. Mais il ne peut nous cacher que ce Rêve d’automne n’est qu’un laborieux drame bourgeois !

L’action se passe dans un cimetière. Un homme marié et une femme dont il a été proche se rencontrent là, presque par hasard. L’homme est venu pour un enterrement ; la femme, on ne sait pas. S’ils se décidaient à s’aimer, s’ils faisaient l’amour sur les tombes ? Les deux personnages se frôlent, se caressent, se déshabillent un peu, échangent des souvenirs, s’interrogent sur leurs vies séparées, tergiversent, passent de l’exaltation à la prostration. Voilà qu’arrivent les parents du défunt, âgés, un peu égarés, qui ne comprennent pas très bien le rôle de la femme mais la prennent dans une ronde funèbre qui ne la concerne pas. Tout n’est qu’échec pour l’amour mis en route et pour le partage du deuil…

Un peu originale dans ses premières scènes, la pièce de Fosse patine vite et ressemble peu à peu à un piètre pastiche des pièces sur les stéréotypes du langage telles qu’on les écrivait dans les années 1950. Bien sûr, Chéreau tente de lui donner une autre dimension. Il remplace le cimetière par une salle de musée (drôle d’idée : les temples de l’art ne seraient que des mausolées ?), fait apparaître les morts entre les tombes et tournoyer l’épouse de l’homme infidèle. Mais la grandeur pathétique n’est pas trouvée, sauf par Pascal Greggory, qui donne le plus de vérité à son rôle, poignant même quand on lui demande – le comble du ridicule – de se montrer en caleçon.
Personne parmi les partenaires – Valeria Bruni-Tedeschi, Marie Bunel, Bulle Ogier, Bernard Verley, Michelle Marquais – ne démérite dans ce qui ressemble à un défilé ému et langoureux des thèmes et des artistes chers au metteur en scène. Mais l’audace ratée du texte plombe la soirée. Chéreau eût été plus inspiré de ­choisir un autre Jon Fosse.

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