Les cadres d’EELV au secours d’Eva Joly

Dans un début de campagne miné par les couacs, Eva Joly et les écologistes peinent à faire valoir leur singularité. José Bové, Daniel Cohn-Bendit et Cécile Duflot l’on soutenue lundi pour tenter de ressusciter l’élan collectif des élections européennes.

Erwan Manac'h  • 31 janvier 2012
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Les cadres d’EELV au secours d’Eva Joly
© Photo : AFP / Bertrand Guay

Illustration - Les cadres d'EELV au secours d'Eva Joly

Il était l’opposant le plus farouche à la candidature écologiste à la présidentielle. Daniel Cohn-Bendit a pourtant pris place aux côtés d’Eva Joly, lundi 30 janvier, dans l’atmosphère fiévreuse d’une conférence de presse organisée à la Maison de l’Europe, dans le IVe arrondissement de Paris. « La candidature est utile , lance «Dany» dans le crépitement continu des appareils photos. Elle est utile pour faire comprendre aux Français que nous n’échapperons pas à la reconversion écologique.»

Accompagné de Cécile Duflot et de José Bové, venus réclamer la « démocratisation » des institutions européennes, Cohn-Bendit dénonce le « pacte de l’austérité » signé ce lundi à Bruxelles par les chefs d’États de l’Union. Trois ans après les 14 % obtenus par les Verts aux élections européennes, point de départ de la création d’EELV, les trois ténors sont surtout venus en renfort d’une candidate qui stagne dans un début de campagne sourd aux questions écologiques. 

Dans l’aventure solitaire de la présidentielle, l’ex-magistrate n’a pas encore réussi à faire valoir sa différence avec les candidats du « sérail ». 78 % des personnes interrogées pour un sondage Ipsos pour Le Monde , publié le 26 janvier, la jugent incompétente. 91 % l’estiment « dépourvue de stature présidentielle » . « Je ne suis pas formatée, ni douée pour fournir des réponses calibrées dans les standards des joutes politiciennes », analyse Eva Joly elle-même dans une interview au même journal du 29 et 30 janvier.

Le temps d'un cliché, Daniel Cohn-Bendit emprunte les lunettes d'Éva Joly - AFP / Bertrand Guay - 30/01/2012

Hystérie

Au fond de la salle de presse, la jeune équipe de campagne piquée au vif dénonce « l’acharnement » et « l’hystérie » des médias qui « font le jeu du vote utile » . Pour ces militants, les écologistes sont victimes de l’infidélité d’un « électorat de stratèges, pétrifié par l’idée d’avoir Marine Le Pen au second tour ».

Sur le fond, Eva Joly «met le doigt où ça fait mal» , assure Benjamin Joyeux en charge du projet auprès de la candidate : «  Eva Joly ne doit rien à personne, elle n’a pas les codes ».  Pour ce permanent EELV, la candidate n’est pas  « coûte que coûte »  à la recherche des voix et défend trop sincèrement l’impératif écologique. « Lorsqu’on explique que l’écologie n’est pas seulement l’environnement, qu’elle impose une redistribution fiscale, que le modèle de croissance est une erreur et qu’il faut viser une amélioration de l’activité : cela dérange », abonde Julien Bayou, chargé de la mobilisation. 

La candidate est jugée « radicale sur les sujets écologiques » et « irréaliste sur le dossier nucléaire » par le sondage Ipsos- Le Monde du 26 janvier. « Elle renvoie à la France sa propre image. Celle d’une société sclérosée, fermée sur elle-même et qui tourne en rond », assure Benjamin Joyeux. L’entourage de la candidate tentera donc ces prochaines semaines de « fendre l’armure » d’une candidate trop « pudique » pour faire valoir son argument le plus lourd : son parcours. Un livre « personnel » sort jeudi 2 février en librairie, avant que les propositions de la candidate ne soient révélées le 11 février à Roubaix. « Nous ne rentrerons pas dans la satisfaction journalistique en faisant du « story telling » » , prévient pourtant Julien Bayou. « D’ailleurs [Eva Joly] ne correspond pas à ces cadres » de communication, ajoute Élise Aubry, chargée des réseaux sociaux.

Encaisser les coups… et les couacs

  « On ne s’attendait pas à ce que ce soit facile », tempère Cécile Duflot, jusqu’alors un peu seule dans le rôle de gros bras aux côtés de la candidate. L’entourage d’Eva Joly se serait pourtant volontiers passé des couacs de début de campagne et de l’accord électoral conclu le 15 novembre entre écologistes et socialistes que la candidate paie cash. Mais la priorité des écologistes en 2012 reste l’opportunité d’obtenir un groupe à l’Assemblée nationale qui leur garantirait une place de choix dans une éventuelle future majorité de gauche. 

Mais même dans cette perspective, « la présidentielle est une fenêtre d’attention essentielle pour faire passer des idées. Un retrait ou une absence auraient été contre-productifs » , juge Julien Bayou. Les militants se disent donc prêts à encaisser les coups pour assurer la permanence de l’écologie politique et éviter une débâcle… aux législatives. Et ce, « même si [la présidentielle] est une échéance contre nature, puisqu’on est contre la personnification, ajoute Benjamin Joyeux. On se prend en pleine face la logique de la Ve République, mais nous l’assumons assez bien parce que nous sommes justement contre ce système »

Les barons verts devraient donc se montrer davantage dans la campagne pour tenter de ranimer la flamme des européennes. « Si l’écologie et l’Europe ont disparu, la responsabilité est la nôtre. Nous devons trouver un second souffle » , estime un Daniel Cohn-Bendit venu « tirer la sonnette d’alarme » contre le « national présidentialisme » . « Vous me verrez plus souvent dans cette campagne » , promet pour sa part José Bové, porte-parole d’Éva Joly désormais convaincu, au moins en façade, que l’intérêt de tous est dans une campagne plus collective : « La polyphonie harmonieuse d’Europe écologie existe toujours » , veut aussi croire Cécile Duflot à la tribune. Encore faut-il aujourd’hui réussir à rendre cette mélodie audible dans les tuyaux médiatiques qui tournent à plein régime à moins de 100 jours de la présidentielle.

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